J-1 : le Dakar sur son 31


31 décembre 2021 - 20:06 [GMT + 3]

Juste avant le départ du Dakar, qui sera donné un 1er janvier  pour la première fois depuis 10 ans à Mar del Plata en Argentine, la dernière journée des vérifications techniques et administratives a vu défiler dans la cité sportive du Roi Abdallah à Jeddah, une grande partie des favoris des catégories reines : les KTM à moto avec trois anciens vainqueurs, les Toyota emmenés par Nasser Al Attiyah en autos, ou encore les acteurs d’un match entre les OT3-Red Bull de Cristina Gutierrez et les South Racing emmenés par « Chaleco » Lopez.

Les regards étaient largement tournés en milieu de journée vers la première grande sortie des Audi Q RS e-tron, les 4x4 à motorisation hybride sur lesquels tablent les deux derniers vainqueurs du rallye, Stéphane Peterhansel et Carlos Sainz.

À l’issue des vérifications techniques et administratives, les listes officielles des partants sont composées de 409 véhicules en course, dont 144 motos (parmi lesquelles 33 Original by Motul), 20 quads, 87 autos inscrites en T1, 2 en T2,  48  T3 « Proto-légers », 47 T4 « SSV », 56 camions (T5) et enfin 5 véhicules en catégorie Open. À leurs commandes, 206 concurrents « rookie » participeront pour la première fois au Dakar, tandis que 121 pilotes et copilotes estampillés « Legend » se présenteront pour la 10e fois ou plus. Le contingent féminin a lui aussi nettement augmenté avec 28 participantes, dont 3 équipages 100 % féminins. Sur le podium des nationalités représentées, la France domine avec 170 engagés, devant l’Espagne (74) et les Pays-Bas (64). Chaque soir au bivouac, ils seront rejoints par les 142 véhicules participants à la 2e édition du Dakar Classic composant à eux seuls une caravane de 301 concurrents.

Demain, la course débutera avec l’étape 1A entre Jeddah et Ha’il par une Spéciale de Qualification qui inscrira les premiers écarts de temps et déterminera aussi l’ordre de départ de toute la caravane sur l’étape 1B. Avec une règle du jeu inédite sur le Dakar pour les pilotes de pointe.

Peterhansel : "la victoire, c'est un peu anticipé"

Ambiance électrique aux vérifications avec le passage de Stéphane Peterhansel et Carlos Sainz, sur leurs 31 pour l’occasion ! « Mr Dakar » et « El Matador » se sont exprimés et n’ont pu éviter la question qui brûle toutes les langues du paddock : dans quelle mesure la RS Q e-tron sera-elle compétitive à partir de demain ? Confiants dans les capacités futures de la technologie Audi, « Peter » s’est montré dithyrambique, évoquant « une facilité inégalable comparé à une motorisation thermique, notamment grâce à l’absence de changements de rapport qui permet au pilote de se concentrer intégralement sur son coup de volant ». Un projet ambitieux qui semble ravir les deux stars qui n’ont pas non plus cherché à cacher la jeunesse du projet, aussi prometteur soit-il. Carlos Sainz : « Nous ne sommes pas stupides, nous savons qu’il s’agit d’un projet complexe qui est entre nos mains. Nous devons être plus réalistes. Une chose est sûre, on ne pourra pas dire que l’on n’a pas fait ce qu’il fallait au regard du temps dont on disposait. Tout le monde s’est impliqué à 100%, maintenant nous allons démarrer la course, et nous verrons alors où nous en sommes. » Stéphane Peterhansel : « On sait que gagner va probablement être compliqué, même si à la fin on peut avoir de bonnes surprises. En tout cas, le projet est tellement intéressant que dès aujourd’hui je peux dire que l’on n’est pas déçus.. C’est déjà une victoire d’être au début de la course avec une voiture qui nous semble intéressante et performante. Audi est un constructeur prestigieux qui a gagné toutes les compétitions auxquelles ils se sont engagés, on va faire le maximum pour atteindre leur but qui est la victoire. Mais ça, ce sera raisonnable d’y penser pour 2023. Mais pour cette année, c’est un peu anticipé. »

Coma, retour aux affaires

Détrônée depuis deux éditions par Honda après dix-huit ans de règne sans partage, l’équipe KTM affiche clairement qu’elle voit rouge ! Parmi les mesures du plan déployé pour reprendre la main au palmarès, les Autrichiens ont remis à la manœuvre un spécialiste du genre. Quelques jours avant le départ, Marc Coma a été annoncé comme conseiller spécial des oranges durant la quinzaine saoudienne. À 45 ans, celui qui occupe depuis un an les fonctions de Directeur Général de KTM Espagne sera là pour ramener la « grinta » grâce au poids de l’expérience de ses cinq sacres et de ses vingt-cinq victoires d’étapes entre 2005 et 2014 : « Après sept ans, je suis heureux de revenir au sein de KTM où j’ai toujours beaucoup d’amis impliqués dans la course. J’ai hâte de retrouver l’ambiance de la course et j’espère emmener mon énergie positive et un point de vue différent aux pilotes et aux équipes afin de les aider à atteindre leurs objectifs. »

"Last dance" pour Walkner ?

La « dream team » aux couleurs Red Bull est composée de trois anciens vainqueurs du Dakar. Transfert de l’année, Kevin Benavides et sa plaque numéro 1 attirent tous les regards. Toby Price (vainqueur 2016 et 2019) a quant à lui aussi paraphé un nouveau contrat de deux ans. L’un et l’autre ont repris la compétition en octobre dernier au Rallye du Maroc, course à l’issue de laquelle Matthias Walkner décrochait, avant la finale, le titre de champion du monde. Héros national autrichien à vie depuis son sacre 2018, « Hiasi » est pourtant en fin de contrat. Avantage ou inconvénient psychologique ? « Je pense avoir moins de pression en ayant déjà empoché le titre cette saison, mais le but est de rester aux avant-postes. Un top trois serait génial. Je me sens super motivé, plus que jamais même, parce que c’est peut-être mon dernier Dakar étant donné que mon contrat arrive à échéance après la course ». Invité surprise et bénéficiant du statut convoité d’officiel, Danilo Petrucci, tout frais retraité des circuits, voit l’opportunité inédite d’un changement de selle radical pour l’Italien aux 169 départs en MotoGP ! Une reconversion qui a débuté de façon rocambolesque : cheville cassée le 8 décembre à l’entraînement et premier test Covid positif sur le sol saoudien, rapidement contre-expertisé négatif suite à une analyse de sang ! L’Italien a déjà vécu des coups de chaud avant même le désert qu’il va découvrir dans les jours prochains. Mais à 31 ans, le pistard peut compter sur une vraie expérience en off road pour, peut-être, se révéler meilleur « rookie » 2022 ? « J’ai commencé la compétition motocross à huit ans. A seize ans, j’ai arrêté pour me consacrer à la course sur circuit de vitesse jusqu’au mois dernier. J’ai toujours pratiqué le motocross et l’enduro pour m’entraîner, spécialement depuis deux ans. Mais je vais devoir débuter en douceur à cause de ma blessure encore fraîche. »

Étape 1A : faites vos jeux

Demain, 1er janvier, la caravane du 44e Dakar s’élancera de Jeddah vers Ha’il, un retour à une date traditionnelle pour une étape innovante et inédite sur le Dakar. Les concurrents auront d’abord droit à un transfert de 225 kilomètres pour prendre la température saoudienne et méditer la phrase par laquelle Thierry Sabine concluait son livre « Paris-Dakar » : « C’est vrai, j’use les hommes, je les pousse à leur maximum, mais ainsi tous les ans ils reviennent plus forts, plus aguerris, car c’est vrai aussi, le 1er Janvier 8 heures ils seront de nouveau tous avec moi et tiendront brillamment leur place. » Ce sera avec un peu d’avance sur cet horaire, à 7h30 précises, que les premiers pilotes s’élanceront dans un nouvel exercice : la spéciale de qualification. Tous devront tenir leur place malgré la courte distance chronométrée. Coutumière en championnat du monde FIA des autos, ce sera une première sur le Dakar pour tous. Les temps réalisés dans la spéciale permettront en effet de déterminer les ordres de départ du lendemain et dessineront déjà une première hiérarchie. Chez les autos, les dix plus rapides pourront, le soir venu au bivouac, choisir leur place parmi les dix premières positions du lendemain. Le plus rapide aura le dernier mot, le fameux « choix du roi ». Chez les motos, ce seront les quinze meilleurs chronos qui placeront leurs noms sur un tableau au sein des quinze premières places, selon le même principe. Ces positions sont ultra stratégiques pour les motards, la responsabilité d’ouvrir la piste étant particulièrement délicate. Cette nouvelle règle permet de récompenser la performance sportive dès le début de la course, sans exposer le vainqueur à une potentielle perte de temps le lendemain. Une subtilité pour les motos : les temps seront dotés d’un coefficient 5, augmentant ainsi les écarts afin de raviser ceux qui tenteraient encore de jouer avec le chronomètre inaugural en rendant la main pour partir derrière les ouvreurs. 

Camélia et Yamaha en conquête

Le voile sur le plan de Yamaha chez les T3-T4 a été levé sans équivoque dès les vérifications par la « Panthère Rose ». Deuxième T3 l’an passé dans un prototype YXZ développé avec l’équipe X-Raid, Camélia Liparoti repart à l’assaut de son treizième Dakar, sans avoir roulé cette saison : « Ce sera la première course de la deuxième évolution du proto. On ne voulait pas se présenter avant d’avoir un produit totalement fini. L’idée est de devenir T4 pour 2023 après avoir produit deux-cent-cinquante véhicules sur la base de ce modèle, comme le prévoit le règlement FIA. Ce sera une initiative européenne. La mission numéro un, c’est de tester le véhicule sur le Dakar ; la deuxième c’est d’emmener les trois T3 à l’arrivée du rallye ; et la troisième, qui reste un rêve pour tous ceux qui enfilent un casque, c’est de gagner ! On projette d’avoir le moteur turbo dès Abu Dhabi et la suite du Championnat du Monde, auquel on va participer. »

Al Attiyah, la force tranquille

La nouvelle donne dans la catégorie autos découle d’une double volonté d’orienter les constructeurs vers les énergies alternatives et de placer les pilotes de pointe à armes égales face aux dunes du désert saoudien. Dans cette hypothèse, Nasser Al Attiyah serait-il le pilote actuel le plus performant sur une épreuve comme le Dakar ? Sa feuille de route 2021 plaide pour une réponse affirmative, sachant que ce boulimique de compétition a fait un sans-faute cette saison. S’il a quelques temps traîné une réputation de voltigeur un peu trop acrobatique, ses rivaux comme ses alliés s’accordent pour saluer ses qualités. « Il a un truc de plus que les autres, explique Ronan Chabot. C’est un renard qui a une excellente lecture du terrain. On se dit tout le temps que ça va péter, mais en réalité il n’a pas une conduite à risque ». C’est bien cet aspect que développe son patron chez Toyota, Jean-Marc Fortin, qui a eu la bonne idée de le recruter une première fois en 2012 et a été aux premières loges de son évolution : « Il est devenu le pilote le plus délicat que je n’ai jamais eu, il comprend la nécessité de ménager sa monture car il connaît très bien la mécanique ! C’est le plus complet, et à voitures égales, je mettrais tout mon portefeuille sur l’équipage qu’il forme avec Mathieu Baumel, parce qu’ils se connaissent par cœur et c’est leur grande force pour rouler sans pression ». Le copilote français d’Al Attiyah confirme la sensation de sécurité que dégage son partenaire au volant : « Sa constance tient au fait qu’il n’est jamais à 100 %, ce qui ouvre aussi de grandes possibilités en termes de stratégie de course. Quand nous décidons de frapper un grand coup sur une spéciale, il est capable d’attaquer dans le calme et de faire la différence ». Triple vainqueur du Dakar, le Qatarien se présente sur la ligne de départ comme le grand favori, le Toyota Hilux ayant également l’avantage supposé de la fiabilité. Tout reste à prouver sur le terrain avec ce nouveau T1+ dont les grandes roues rassurent en tout cas le principal intéressé : « je suis d’accord pour crever deux ou trois fois, mais pas vingt fois comme les deux dernières années. »

Sherco, nouvelle à 80%

L’équipe officielle KTM n’est pas la seule à se présenter au départ de la 44e édition du Dakar avec une nouvelle machine. L’usine française Sherco, signataire d’une 7e place avec Lorenzo Santolini en janvier 2021 et qui se targue aussi d’avoir mené jusqu’à l’arrivée la totalité de ses motos engagées, aligne aussi sa nouvelle arme du désert. Les trois pilotes officiels en sont équipés et peuvent dorénavant compter sur une 450 SEF Rally plus légère de douze kilos, et ce malgré trois litres en plus de carburant embarqué pour plus d’autonomie. Une machine que les techniciens de Nîmes annoncent modifiée à 80% avec pour objectifs plus de finesse, une meilleure répartition des masses. Mais aussi une machine « simplifiée » par rapport à sa conception initiale qui datait de neuf ans. Une semaine suffit aujourd’hui aux mécaniciens pour monter entièrement la moto de course, contre trois semaines auparavant. Un délai comparable à celui des autres usines qui prouve le degré de transformation de la Sherco. Reste à « Santo » à en faire les preuves en piste dès demain !

MD Rallye prend l'accent motard

Après deux onzièmes places lors des deux derniers Dakar conquises par Jérôme Pélichet (2020) et Christian Lavieille (2021), l’équipe MD Rallye Sport revient avec sept buggies Optimus sous sa tente. Suffisant pour percer le mur du top 10 ? L’ancien double vainqueur du Bol d’Or, puis animateur de la catégorie T2 sur le Dakar, qui a rejoint le clan MD Rallye l’an passé reste prudent : « En termes de performances, quarante autos du plateau sont aujourd’hui capables de faire un top 10 si on les mettait entre les mains de Nasser Al Attiyah ». Une réserve accentuée par le changement de son copilote habituel Jean-Pierre Garcin. C’est Johnny Aubert, double champion du monde d’enduro et ex pilote officiel moto Sherco, qui fera son retour à la compétition après sa chute au Dakar 2020. Une première fois en qualité de copilote, mais aussi un baptême pour leur duo. Un autre ancien motard, double vainqueur d’un Grand Prix en MotoGP et champion du monde de Superbike 2011, fera lui aussi ses débuts au sein de l’écurie d’Antoine Morel. Carlos Checa sera en effet au volant d’un Optimus pour sa première participation au Dakar. Une première fois en auto, mais pas une découverte du rallye-raid puisque le pilote espagnol s’était engagé à moto au Merzouga Rally avant de s’essayer au SSV : « J’avais prévu de participer avec l’Optimus au Rallye du Maroc, mais cela n’a pas pu se faire. Je viens au Dakar pour participer, prendre du plaisir, mais pas pour réaliser une performance. J’aimerais poursuivre dans la discipline, mais tout dépendra de cette première expérience ». Carlos Checa pourra s’appuyer sur Ferran Marco Alcayna, qui compte de nombreux Dakar et a déjà fréquenté le Top 5 de la catégorie camions aux côtés d’Ales Loprais.

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