Docherty et Roma, l’art de saisir sa chance

Dakar 2025 | Étape 10 | HARADH > SHUBAYTAH
15 janvier 2025 - 17:42 [GMT + 3]

L’ŒIL DANS L’OBJECTIF

L’Empty Quarter se mérite. Les concurrents du Dakar ont attendu la 10e étape pour en goûter la saveur, et ont même dû quitter Haradh avant même les premiers rayons du soleil pour se lancer dans une longue route de plus de 500 kilomètres en prenant comme cap les rivages du golfe Arabique. Il s’agissait ensuite de plonger dans l’océan de dunes où les as du franchissement sont en principe les maîtres du jeu, pour une première baignade de 117 kilomètres dans le sable. Les considérations stratégiques ne concernaient pas Michael Docherty, qui a exploité à la fois sa pointe de vitesse et son expertise des dunes en tant que voisin direct du parcours, pour remporter son premier succès sur le Dakar. Nani Roma n’avait rien d’autre à espérer non plus qu’une 26e victoire d’étape sur le Dakar (moto + auto), ce qu’il a réussi à obtenir à Shubaytah en plaçant pour la première fois une Ford Raptor au sommet. Les débats du général se poursuivront demain dans l’Empty Quarter.

Le résumé de l'Étape 10 présenté par Aramco - #Dakar2025

L’ESSENTIEL

  • Il y avait un gros coup à jouer pour Michael Docherty, bien conscient que les grands favoris de la course risquaient de se neutraliser. Le pilote sud-africain de Rally 2 a profité de son coup de guidon particulièrement expert dans les dunes pour aller chercher sa première victoire d’étape sur le Dakar, avec 1’20’’ d’avance sur Rui Gonçalves et 2’21’’ sur Tobias Ebster.
  • Les prétendants au titre ont effectivement joué stratégique dans l’optique de la deuxième étape dans l’Empty Quarter demain. Daniel Sanders domine toujours le classement général, avec 16’31’’ d’avance sur Tosha Schareina et 22’24’’ sur Adrien Van Beveren. Les ordres de départ, à scruter de près, peuvent permettre aux poursuivants de l’Australien de rêver en grand en cas d’exploit.
  • Il fallait bien partir loin derrière pour se faire une place au sommet de ce parcours séparé pour les autos. C’est la chance qu’a su saisir Nani Roma, parti 27e et qui replace son nom au sommet du classement du Dakar depuis 10 ans. L’Espagnol pilotait alors une Mini, mais il offre cette fois-ci à Ford sa première victoire avec le Raptor, avec 18 petites secondes d’avance sur Lucas Moraes ! Il s’agit sa 26e spéciale remportée au cumul de ses carrières à moto et en auto.
  • Cette courte spéciale a donné lieu à des rebondissements au sommet, puisqu’après une journée de grimaces, Henk Lategan a repris les commandes du classement général, en faisant le choix de jouer le coup à fond. Il termine la journée avec 2’27’’ de marge au classement général sur Yazeed Al Rajhi et 26’46’’ sur Mattias Ekstrom, le Saoudien ayant connu un épisode de tankage tandis que le Suédois a fait le pari du coup de frein dans le final.
  • Nasser Al Attiyah a quant à lui lâché bien involontairement une grosse vingtaine de minutes sur le chrono de Roma, suite à une erreur de navigation au km 9. La victoire semble bien loin, Lategan ayant 30 minutes d’avance, mais la 3e place de Mattias Ekstrom reste pour l’honneur dans le viseur, à moins de 4 minutes.
  • Dania Akeel n’a pas seulement remporté en Challenger l’étape qui lui permet de succéder à Cristina Gutierrez, Sara Price et Jutta Kleinschmidt, comme quatrième femme au sommet du classement d’une étape sur un Dakar. Elle a aussi signé avec son Taurus le troisième temps du jour, juste derrière la Ford de Nani Roma et la Toyota de Lucas Moraes. La Saoudienne n’inquiète pas Nico Cavigliasso au sommet de la hiérarchie, il roule toujours avec 26 minutes d’avance sur Gonçalo Guerreiro.
  • « Chaleco » Lopez remporte une cinquième étape sur sa campagne saoudienne 2025 en SSV. Le Chilien s’est en même temps rapproché à une quinzaine de minutes de Xavier de Soultrait, toujours deuxième loin derrière son coéquipier en Polaris Brock Heger.
  • Ales Loprais joue sur le Dakar un rôle similaire et remporte de son côté sa quatrième étape, sans combler suffisamment de retard pour revenir sur Mitchel van den Brink pour le moment, et encore moins sur Martin Macik qui domine les camions avec 2h22’ d’avance.
227 ROMA Nani (spa), HARO Alex (spa), Ford, Ford M-Sport, FIA W2RC, Ultimate, celebrates their stage win during the Stage 10 of the Dakar 2025 on January 15, 2025 between Haradh and Subaytah, Saudi Arabia
227 ROMA Nani (spa), HARO Alex (spa), Ford, Ford M-Sport, FIA W2RC, Ultimate, celebrates their stage win during the Stage 10 of the Dakar 2025 on January 15, 2025 between Haradh and Subaytah, Saudi Arabia © A.S.O./J.Delfosse/DPPI

LA DECLA DU JOUR - Michael Docherty : « Ce que j’attendais depuis le début »

Michael Docherty remporte la première étape de sa carrière sur le Dakar. Après sa chute et sa blessure dans l’étape 1, le Sud-Africain qui réside aux Emirats voisins est entré dans son jardin de prédilection.

« Content d‘être de retour dans les dunes, c’est ce que j’attendais depuis le début du Dakar. Même si c’était court, c’était bon d’être de retour dedans. J’ai chuté une fois, je me suis refait mal à l’épaule un peu plus, mais j’ai essayé de faire quelque chose de bien sur ce Dakar, pas comme dans l’étape 1. Je n’ai rien à perdre, je suis content d’ouvrir demain, j’aime le faire dans les dunes. »

DOCHERTY Michael (zag), KTM, BAS World KTM Racing Team, FIM W2RC, Rally2, portrait during the Stage 10 of the Dakar 2025 on January 15, 2025 between Haradh and Subaytah, Saudi Arabia
DOCHERTY Michael (zag), KTM, BAS World KTM Racing Team, FIM W2RC, Rally2, portrait during the Stage 10 of the Dakar 2025 on January 15, 2025 between Haradh and Subaytah, Saudi Arabia © A.S.O./J.Delfosse/DPPI

LE COUP DUR

Certes, l’objectif ultime est encore en vue pour Yazeed Al Rajhi, qui tient sa chance la plus sérieuse de gagner le Dakar depuis son apparition sur l’épreuve en 2015, qui plus est en tant que porte-drapeau de l’Arabie saoudite, le pays hôte pour la sixième fois consécutive. Mais l’accroc du jour n’était certainement pas inscrit dans son plan de bataille pour atteindre la consécration. Le pilote Toyota a pris les commandes du rallye hier, et a vu aujourd’hui Henk Lategan reprendre la place qu’il avait patiemment convoitée. Al Rajhi qui vendange son travail dans l’Empty Quarter, voilà un comble qui se produit pour la deuxième fois. L’année dernière, c’est en poussant trop fort qu’il avait fait envoler sa machine et avait été contraint à l’abandon. Cette fois-ci, un excès de prudence lui a fait surfer les dunes bien trop lentement, et ce qui devait arriver arriva : le Saoudien s’est tanké au km 83, pour une pause bien trop longue qui lui vaut maintenant un retard de 2’27’’ sur le leader sud-africain au général. Sa position de départ très éloignée demain (27e) lui accordera un avantage, mais Lategan (11e) ne devrait pas non plus se retrouver avec la responsabilité d’ouvrir durant les 284 kilomètres de la spéciale. La course poursuite ne pardonnera aucune erreur.

LA STAT : 3655

C’est le nombre de jours qui séparent la dernière victoire d’étape de Nani Roma sur le Dakar, lors de l’étape 9 en 2015, de son triomphe aujourd’hui, soit 10 ans et 2 jours. Avec Carlos Sainz dans les rangs de Ford, beaucoup auraient parié sur « El Matador » pour offrir au Raptor son premier succès. Mais c’est Roma, exclu de la lutte pour le titre et désormais porteur d'eau de luxe du clan M-Sport, qui ouvre le compteur du constructeur américain, décrochant son 13e scratch en auto, et le 26e de sa carrière en comptant ses succès en moto. Parmi les antécédents, on peut citer Guerlain Chicherit, un peu moins de 10 ans, de 2013 à 2023, mais Roma fait légèrement mieux.

LA PERF

Il est rare de voir des pilotes Rally 2 gagner des étapes face aux pointures du Rally GP. Ce n’était arrivé qu’une fois dans l’histoire du Dakar depuis la création de la catégorie en 2022. Danilo Petrucci montrait la voie cette année-là en remportant l'étape 5. Michael Docherty ajoute aujourd’hui son nom à la liste. Là où d’autres ont pensé stratégie, lui n’a fait qu’un calcul : ouvrir gaz en grand dans un terrain qu’il connaît bien. Né à Kempton Park, le pilote BAS World KTM Racing vit aux Émirats arabes unis, pays voisin de l'Arabie Saoudite qui concentre aussi une partie du désert de l'Empty Quarter. Il a d'ailleurs déjà gagné de l'autre côté de la frontière, lors de l'Abu Dhabi Desert Challenge, la deuxième manche du championnat du monde de rallye-raid. Son succès dans les dunes remet l’Afrique du Sud au sommet d’un classement motos du Dakar, 22 ans après la dernière victoire d’Alfie Cox en 2003. C’était il y a 22 ans. Coïncidence ou pas, Docherty porte aujourd’hui le numéro… 22 !

W2RC : Roma fait Ford !

En s’imposant aujourd’hui, Nani Roma se rappelle aux bons souvenirs des statisticiens du Dakar. Cela faisait 10 ans que le Catalan ne s’était plus illustré sur la course (2015). Avec ce succès, l’Espagnol égalise sur quatre roues ses 13 victoires d’étape à moto, portant son total à 26. Au-delà de ces chiffres personnels, Nani offre aussi à Ford sa première victoire d’étape, le Raptor étant lancé cette saison dans sa première course au titre constructeurs en championnat du monde face aux Dacia Sandrider et aux Toyota Hilux. En W2RC, la dernière victoire d’étape de Nani remonte à 2022. C’était déjà sur le Dakar, en 2022 dans l’étape 6, à l’époque au volant du Hunter de BRX. Mattias Ekstrom et Mitch Guthrie ont déjà apporté leurs pierres à l’édifice Ford depuis Bisha, et nul doute que Carlos Sainz va venir rapidement apporter sa contribution au Raptor à l’occasion des quatre prochaines manches du calendrier mondial.


SUR UN AIR DE CLASSIC

82 véhicules sur 95 à Bisha figuraient sur la liste de départ du Dakar Classic ce matin. Mais le numéro 704, 3e du général, n’est pas parti. Rentré au bivouac à la ficelle hier, le Land Rover Defender de Maxence Gublin et Anthony Sousa n’a pas pu être réparé, boîte de vitesse cassée. Un coup dur qui fait suite à l’abandon quelques jours plus tôt de la Porsche numéro 702. Deux prétendants ont quitté la course, laissant plus que jamais le champ libre à la Toyota de Carlos Santaolalla et au Nissan de Lorenzo Traglio. Aujourd’hui, l’avantage a tourné en faveur de l’Espagnol qui a augmenté son avance de 6 points, cumulant ce soir à 31 points. Deux tests de navigation étaient au programme de l’étape 10 et il y en aura quatre demain, en plus d’une petite épreuve de régularité. Le Dakar Classic va donc se jouer demain à n’en point douter dans un concours de recherche de waypoints dans le sable. Un exercice où les deux 4x4 excellent mais où la moindre faute coûte 20 points. Deux erreurs peuvent comptablement suffire à ce que le tenant du titre Santaolalla laisse filer la victoire si Traglio réalise le sans faute. Le sablier ne sera donc pas le juge de paix de leur duel, c’est un océan de sable qui aura le dernier mot avant l’étape finale.

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