Quand les vaches broutent de l’herbe à chameaux

Dakar 2024 | Étape 8 | AL DUWADIMI > HAIL
15 janvier 2024 - 10:46 [GMT + 3]

Carlos Sousa en autos, Ruben Faria et Helder Rodrigues à motos, le Portugal a marqué le Dakar par ses champions. Lisbonne a aussi donné les coups d’envoi 2006 et 2007 et s’apprêtait à le refaire juste avant l’annulation de 2008... Mais l’histoire entre le Portugal et le Dakar débute dès ses premières heures. En 1982 avec l’engagement de trois UMM, des véhicules made in Portugal aux racines françaises.  En 1983, une vache blanche et une vache noire reviennent sur le Dakar.. Quatre Portugais les ont ramenées sur le Dakar Classic !

© Murilo Mattos - Fotop

Dans les années 70, une marque de véhicules 4x4 utilitaires et militaires voit le jour au Portugal sous le nom UMM. L’Union Métalo-Mécanique née de la reprise des anciens 4x4 Cournil au moteur de 504 Peugeot, une marque française du Massif Central, apparue une décennie auparavant à Aurillac, dans le Cantal. Les phares externes du modèle français sont intégrés à la calandre pour donner naissance au Alter 4x4 qui entre en production en 1977. Joao Costa, le pilote de la numéro 715 est intarissable sur le sujet, capable d’interjections en français, comme « merci Cornil » lorsqu’il s’agit de rendre hommage au designer de cet engin à la ligne taillée à la serpe auvergnate. Par respect doublé d’un sens de l’humour quasi « british », Joao Costa, Luis Galvao, Paulo Oliveira et Arcelio Couto décrivent les spécificités du véhicule : « La première chose typique de ce véhicule est qu’il perd toujours de l’huile. Un UMM qui ne perd pas d’huile est un UMM qui ne marche pas. L’autre chose est son design rustique, notamment sa calandre avant dont Luis jure qu’elle a été copiée par Lamborghini. Ensuite il y a ses suspensions à lames avant et arrière très robustes et enfin ses fenêtres coulissantes. » Paulo Oliveira le pilote de la numéro 724 blanche aux couleurs de son Mozambique natal d’ajouter « le bruit à l’intérieur de l’habitacle aussi ». « Mais on l’aime comme ça, c’est un symbole national et une religion. Les gens qui aiment l’off road possèdent un jour un UMM » tranche Joao.

Les adeptes de ce drôle d’animal sont des UMMistes. Jose Megre, le père fondateur de l’off road au Portugal est rapidement devenu l’un d’entre eux. C’est sous son impulsion qu’une série a été produite au début des années 1980 pour participer à des compétitions nationales. Le projet a vite germé d’aligner trois UMM pour porter haut les couleurs de l’entreprise sur le Paris-Dakar 1982. Sous le slogan « 3 autos au départ, 3 autos à l’arrivée », avec un MADE IN PORTUGAL en majuscules sur ses flancs, toutes iront au Lac Rose avant de taper dans l’œil de Thierry Sabine en personne qui en a demandé un exemplaire à l’usine en 1983 pour partir sur les reconnaissances du parcours 1984 : « Sur le Dakar 1983, deux véhicules étaient engagés. Un noir pour le mécanicien qui roulait derrière le blanc de Jose Megre qui revenait pour aller chercher un meilleur résultat. Tosha, le mécanicien qui était très célèbre au Portugal et qui le reste encore aujourd’hui puisqu’il travaille toujours uniquement sur des UMM, avait baptisé les voitures la vache blanche et la vache noire. Nous avons ramené une vache blanche et une vache noire ! »

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© aifa.pt 2024

Dans le pré du Dakar Classic, les Portugaises ont adopté deux comportements très différents analysés par Joao, le berger qui envisage un croisement des deux espèces : « la voiture noire a un moteur qui a tendance à surchauffer, depuis le prologue. On s’évertue à trouver une solution pour la refroidir. On a envisagé des glaçons, mais cela ne devrait pas marcher. Le moteur a fini par mourir il y a trois jours, mais la communauté des UMMistes nous a aidés, on a reçu des pièces depuis le Portugal. La blanche a essuyé une casse d’un axe de bras, d’une suspension arrière et de la boîte de vitesse. ! Le moteur de la blanche est fantastique et sur la noire tout est parfait sauf le moteur. Si les ennuis continuent, on a prévu de faire un mix des deux voitures pour qu’une voiture puisse finir le Dakar.  Mais on est positifs, on pense que les deux iront au bout. On doit improviser tous les jours, trouver des solutions. On a tous des vies occupées à la maison, on est ici pour vivre une aventure, repousser nos limites physiques et mentales et la voiture nous donne de la matière. »   L’étable de Yanbu est encore loin, mais l’enthousiasme 100% portugais de cette équipe est déjà le sujet de conversation de tous les troupeaux de dromadaires d’Arabie Saoudite, médusés de voir passer dans leurs champs de dunes des congénères sans bosse pour la première fois. « Oh, la vache ».

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