Les routières sont sympas

Dakar 2024 | Étape 11 | ALULA > YANBU
17 janvier 2024 - 23:39 [GMT + 3]

En Hollande, il ont le fromage en boule, les tulipes… et bientôt peut-être le premier équipage 100 % féminin à avoir fini le Dakar en camion. Et la Ladies Team De Rooy a choisi l’édition la plus relevée jamais disputée en Arabie saoudite pour relever ce challenge. Anja, Floor et Marije, à deux jours de l’arrivée ne se sont toujours pas dégonflées. Encore plus fort, elles n’ont pas encore crevé une seule fois et occupent la 13e place du général sur 40 camions.

Anja Van Loon est à l’origine de l’aventure. C’est plus précisément une promesse faite à son père qu’elle est venue tenir et partager sur le 46e Dakar. Fried Van de Laar, son père défunt dont le portrait figure en grand sur la cabine de l’Iveco 618, était une des figures du Dakar en camion dans les années 2010. Une passion qu’il a transmise à ses fils Jan et Ben. En 2012, Anja découvre pour la première fois le bivouac. Les camions, elle a grandi avec dans l’entreprise familiale de transport où ce véhicule est une tradition. A 18 ans, elle passe son permis poids lourd. Plus tard, elle épouse Erik Van Loon, pilote auto sur le Dakar. Depuis deux ans, Anja du haut de son mètre soixante-huit prépare son Dakar. Son mari met un terme à sa carrière sur le Dakar l’an dernier à l’occasion de son 13e Dakar, sur un tonneau dans un Hilux Overdrive Racing. Anja est là, en T3, pour préparer sa venue en camion. Au programme, une dizaine de courses. 14e du Dakar dans sa catégorie, Anja impressionne de facilité mais surtout de régularité. Cinquième sur le Rallye du Maroc 2023 avec Floor Maten, la navigatrice.

« L’idée d’Anja était de le faire à trois femmes et la famille du rallye étant petite, notre association s’est faite naturellement. Moi j’étais déjà en activité dans une équipe moto. J’ai commencé en 2017, j’ai fait six Dakar et une vingtaine de rallyes en assistance. Mais pour moi, c’est mon premier Dakar en course. Mon premier rallye remonte à 2014 dans l’organisation au Maroc, c’est une passion. C’est ma seconde famille. Je suis la navigatrice. J’ai fait trois rallyes à moto où l’on pilote et où l’on navigue en même temps. Je pense que mes talents de navigatrice était meilleurs que ceux de pilote moto ! On a fait l’Abu Dhabi Desert Challenge ensemble en début d’année dernière pour apprendre à se connaître et à se comprendre dans une voiture. »  

© Marcelo Murbach
© Magnus Torquato

Marije Van Ettekoven est aussi une femme d’expérience : « J’ai commencé comme Floor par faire des rallyes à moto en 2008, j’ai appris à naviguer comme ça. En 2015 j’ai intégré une équipe camion et on a fait notre premier rallye avec un vieux DAF en 2016. Un équipage était prévu, mais comme je venais de la moto j’avais dit que si le navigateur était malade je pourrais le remplacer, et c’est exactement ce qui s’est passé. C’est comme cela que j’ai commencé et je n’ai jamais arrêté. Je l’ai fait avec mon compagnon et un mécanicien, on a connu beaucoup de problèmes, on a fait deux fois le Dakar, c’est mon troisième. J’ai beaucoup appris et c’est pour cela que je suis devenue mécanicienne dans cet équipage. Mais on a un gros secret : c’est Anja. Nous n’avons pas crevé jusqu’ici, juste une crevaison lente que nous avons pu gérer et ramener jusqu’au bivouac. Elle est très douée dans les pierres. Mais je sais que nous sommes capables de le faire à toutes les trois, d’ailleurs aucun team ne confie ça à une seule personne. C’est surtout une perte de temps et d’énergie, mais je pense qu’en vingt minutes on serait capable de le faire. Il faut conduire si vite pour rattraper vingt minutes que cela vaut le coup de ralentir dans certains passages pour préserver les pneus et ces précieuses minutes. Et pour ça, Anja est une championne. »  

Anja est la tête d’affiche de l’équipage. La petit blonde aux yeux clairs et transperçant, pour laquelle 99% des hommes de la planète s’arrêteraient pour l’aider à changer une roue crevée, se transforme lorsqu’elle enfile sa combinaison jaune et noir. Aussi discrète à terre que communicante une fois perchée dans sa cabine, Anja est devenue en une édition le canari qui chante et égaye l’atmosphère. « On s’éclate dans la cabine. Tous les matins ont met l’ambiance. Les gens du départ sont heureux quand ils nous voient, on essaye de donner le sourire aux gens quand on part, on aime ça et on le doit bien aux volontaires de l’organisation qui restent des heures et des heures à donner les départs. » Marije, installée en retrait dans l’habitacle est multitâches : « je suis mécanicienne et DJ, mais je dois aussi nourrir Floor, faire un peu de cuisine ! »

La grande de la bande a acheté une paire de petites enceintes aimantées qui crachent de la « house music » hollandaise au départ. Anja distribue des casquettes, la banane jusqu’au casque. Elles sont le sourire de cette 46e édition, mais elles s’agacent aussi que le cri de Floor lorsque leur camion s’est couché dans le sable dans une manœuvre d’évitement parfaitement exécuté par Anja ait fait le tour des réseaux sociaux. Marije ne rigole plus lorsqu’elle explique le contexte d’un des buzz de ce Dakar : « la séquence a été extraite de son contexte alors que l’on a plein de caméras embarquées qui montrent comment Anja a évité un accident à quelques centimètres près. Tout ce que l’on voit, ce sont trois femmes qui crient, que l’on croient apeurées par le crash. C’est rabaissant. »

Marije n’a pas besoin de monter dans la cabine pour prendre de la hauteur et trancher: « Rallier l’arrivée et ramener la médaille à la maison, je pense que ce sera assez historique pour trois femmes dans un camion ».  

© Rodrigo Barreto

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