J-2 : Mer Rouge et feux verts à Jeddah
30 décembre 2021
- 20:20
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La phase des ultimes préparatifs du Dakar se tient pour la troisième année consécutive à Jeddah, sur les bords de la Mer Rouge. Et si le stade du Roi Abdallah a été investi par les officiels chargés des vérifications techniques et administratives du rallye, les médecins et leurs équipes sont aussi à la manœuvre dans le contexte de la pandémie de Covid. Une campagne de 3500 tests PCR y est organisée, pour toutes les personnes accréditées sur l’épreuve, le protocole mis en place ayant auparavant exigé un test négatif pour entrer en Arabie Saoudite.
Après avoir satisfait aux exigences sanitaires, les pilotes et équipages convoqués ont effectué leur circuit en vue de prendre le départ de la première étape en direction de Ha’il dès le 1er janvier. Les BRX de Sébastien Loeb et « Nani » Roma ont pu s’exprimer sur leurs ambitions dans la catégorie autos, tout comme les pilotes Honda, vainqueur des deux dernières éditions sur deux roues. Mais leurs rivaux de chez Yamaha ont un nouvel atout dans leur jeu avec Mme Andrea Peterhansel, missionnée dans les coulisses pour tenter de ramener dans la maison bleue le titre que son champion de mari avait remporté en 1998.
Dans l’ambiance des retrouvailles générales, de nombreux pilotes ont eu une pensée pour Karel Loprais, sextuple vainqueur dans la catégorie camions et décédé ce matin en République Tchèque.
DÉCÈS DE KAREL LOPRAIS : LES TCHÈQUES SOUS LE CHOC
Le jour où débutent les « vérifs », la catégorie camions a perdu l’une de ses figures historiques. Le cœur de Karel Loprais, malade depuis quelques semaines, s’est arrêté de battre ce matin en République Tchèque, où il était devenu un véritable héros après avoir obtenu six succès sur le Dakar dans la cabine de ses camions Tatra (1988, 1994, 1995, 1998, 1999 et 2001). Le pilote d’Ostrava a fait la fierté de son pays, qui l’a d’ailleurs nommé ambassadeur de la sécurité routière, et s’est également réservé une place de choix dans l’histoire du Dakar. Seuls Vladimir Chagin (7 titres) et Stéphane Peterhansel (14 titres) sont parvenus à le dépasser dans les statistiques. Après ses succès sur les pistes, il est resté lié à la discipline, transmettant sa passion à toute sa famille et en particulier à son neveu Ales, précisément convoqué aujourd’hui pour participer à son 15e Dakar en tant que pilote. « C’était une icône pour nous, il a mené les sports mécaniques et la catégorie en République Tchèque, explique avec émotion celui qui a découvert le Dakar comme navigateur dans la cabine de son oncle.Nous étions constamment en relation, puisque nous construisons ensemble les camions, il venait nous voir tous les matins boire un café et prendre des nouvelles de nos « ladies », c’est comme ça que nous les appelons. Alors c’est une perte indescriptible… mais il sera avec nous sur ce rallye. Il a toujours été positif sur nos chances, sans jamais me donner de conseils mais en me disant ‘tu sais ce que tu as à faire’ ». Les équipes d’organisation du Dakar présentent leurs condoléances à tout l’entourage de Karel Loprais, à commencer par les membres de l’équipe Instaforex Loprais Praga.
SEBASTIEN LOEB : « TROUVER LE BON RYTHME ET RESTER HUMBLES »
Champion du monde des rallyes à neuf reprises, le pilote français attaque son 6e Dakar, une épreuve qui lui résiste depuis sa première participation en 2016. Loeb s’aligne pour la deuxième fois sous les couleurs du Team BRX, mais avec une auto largement remaniée depuis la dernière édition, et avec un nouveau copilote, Fabian Lurquin, avec qui il n’a qu’une seule expérience en course, sur la Baja Aragon : « Ce n’est pas un an sans course pour moi, mais en tout cas un an sans rallye-raid. On a fait des essais, mais peut-être pas autant de kilomètres qu’on aurait voulu parce que nous avons eu des contre temps. En revanche la voiture est vraiment bien, et avec le copilote ça s’est très bien passé aussi. On commence seulement ensemble, il va maintenant falloir tout mettre bout à bout : le Dakar c’est compliqué, il faut trouver le bon rythme et rester humbles. Le point important c’est que la voiture est fiable. En tout cas on n’est pas trop mal préparés ».
PETERHANSEL DE RETOUR CHEZ YAMAHA !
Le Dakar 2021 est à ranger dans le tiroir des mauvais souvenirs chez Yamaha. Pas une « Bleue » n’a réussi à rallier l’arrivée. La marque aux diapasons a réagi par un grand coup de barre. Acte 1 : on réduit la voilure à trois pilotes. Acte 2 : on remplace les têtes de proue de l’encadrement… par une blonde. Voilà qui pourrait ressembler à une blague. Mais Andrea Peterhansel, nouvelle responsable du sport de Yamaha, n’est pas du genre à plaisanter avec le Dakar. Sous le nom d’Andrea Mayer, elle a déjà signé une 5e place à moto en 2000 pour KTM, avant d’obtenir le même résultat sur quatre roues en 2004 pour Mitsubishi. La connaissance fine de l’épreuve a bien sûr fait la différence au moment de choisir la personne capable de prendre en main la situation : « J’ai été contactée par Marc Bourgeois pour aider à restructurer le team. Ce n’est pas mon premier métier, mais j’ai une expérience de 25 ans. Il va falloir assumer des décisions et ça fait partie de ce poste, explique l’intéressée ». Acte 3 : Branch, Short et Van Beveren ont participé aux quatre manches du championnat du monde avec une machine désormais sous la supervision technique de l’ancien mécanicien de Stéphane Peterhansel. Victoire pour le Botswanais au Kazakhstan, deuxième place à Abu Dhabi pour le Français et une place de vice-champion du monde pour VBA mais aussi des constructeurs. Le bilan intermédiaire satisfait la cheffe de troupe, qui a pu identifier les qualités et les limites de chacun avant de se lancer sur le Dakar : « Il y a une super ambiance et ils ont progressé toute l’année. Adrien a repris de la confiance et en même temps de la vitesse, Ross a quant à lui appris à se calmer, tandis qu’Andrew est déjà très complet et a de grandes qualités stratégiques, c’est une valeur sûre ».
BRADLEY COX… DANS LA ROUE DE SON PÈRE
À 23 ans, le numéro 49 s’apprête à ramener le nom de Cox sur le Dakar… et sur une KTM. Bradley n’est autre que le fils d’Alfie, pilote officiel KTM de 1998 à 2005, trois fois sur le podium du Dakar (2e en 2002) et vainqueur de huit étapes. Bradley avait dix ans lorsque la légende sudaf’ a raccroché le guidon et déjà cinq ans de motocross dans les bottes. À quinze ans, il partait tenter sa chance en motocross européen et s’installait seul en Belgique. Une série de blessures plus tard et il était de retour au pays à dix-huit ans, où sa carrière, cette fois-ci en enduro, allait prendre son envol. Comme son père, Bradley allait dominer durant une décennie la scène off road d’Afrique du Sud… avant d’être inspiré par l’un de ses rivaux au pays : « Il y a deux ans, j’ai vu le succès de Ross Branch et cela m’a donné envie d’essayer le rallye. Après les épisodes du Covid, j’ai enfin pu participer au Maroc en octobre dernier ». Une première expérience à laquelle Alfie a pu assister : « Les premiers jours, je lui ai demandé si c’était vraiment ça qu’il voulait faire : se lever en pleine nuit pour partir se poncer les fesses sur sa selle dans le froid en liaison. Il m’a dit que oui. C’était parti. » Depuis, Bradley se prépare à « marcher dans les pas de mon père, vingt ans après lui ». Un mimétisme poussé jusqu’au style de pilotage : « Quand on regarde des images de mon père et de moi sur une moto de rallye, on est tous les deux assez petits et on est toujours sur l’avant de la moto. J’aime à dire que je suis plus rapide que lui ! Mais on verra ça une fois que j’aurais fait autant de Dakar que lui. »
SAUVE QUI PNEU
Initié l’an passé pour améliorer la « sécurité passive » des motards, la règle limitant le nombre de pneus à six pour la totalité de la course a été révisée pour l’édition 2022 en passant au double. L’image de Toby Price rafistolant son pneu à grand renfort de colliers plastiques avait fait le tour des réseaux sociaux, et convaincu David Castera de revoir sa copie : « Cela n’a pas changé grand-chose et a plutôt apporté des complications. Nous étions allé un petit peu loin et nous avons décidé de revenir à un plus juste milieu en limitant l’interaction à un pneu par jour. Cela empêche les motards de changer leur roue en course et intègre donc un peu de gestion ». L’objectif reste le même : inciter les pilotes à ménager leur monture afin de réduire leur prise de risque. Douze gommes de même modèle pour la totalité des treize jours de course, c’est donc deux jours à gérer lors de l’étape Marathon, sous peine de pénalité en cas d’échange avec un autre concurrent. Une étape qui arrivera dès les journées 2 et 3 et pourrait très tôt réserver des surprises…
QUINTANILLA EN TRANSITION
Après deux victoires consécutives, le clan Honda aurait certainement souhaité se représenter à Jeddah sans rien changer à ses plans. Mais Kevin Benavides, le tenant du titre, a cédé aux sirènes de KTM qui arbore la plaque numéro un. Réponse du berger à la bergère, le HRC a recruté Pablo Quintanilla chez Husqvarna. Le Chilien n’a pas mis longtemps à apprivoiser la 450 CRF Rally et a même renoué avec la victoire qui lui échappait depuis deux ans en remportant le Rallye du Maroc en octobre dernier. La nouvelle recrue des rouges est prête à remporter son premier Dakar : « Honnêtement, je me sens super bien sur la moto, au sein du team et je me présente parfaitement entraîné. J’ai fait plein de kilomètres avec la moto, je me sens fort et prêt pour remporter la course. Tous les pilotes ont de l’expérience et sont différents dans cette équipe. Joan a les années et la vitesse, « Nacho » est très bon en navigation, Ricky sait ce qu’il faut faire pour gagner le Dakar, je pense que c’est un bon « mix » qui nous offre tous les outils pour remporter le titre. C’est mon dixième Dakar, j’ai des milliers de kilomètres sous la ceinture, j’ai la vitesse et ces derniers mois je me suis énormément entraîné dans le nord du Chili avec « Nacho ». Je pense que ma navigation s’est bien amélioré par rapports aux années précédentes. »
ÇA SWING CHEZ LES CLASSIC !
Ils seront donc 144 le 1er janvier à prendre le départ de la deuxième édition du Dakar Classic. La Marseillaise sonnera le départ de quarante-quatre équipages français, la majorité des véhicules de 1980 à 2000. Trente-sept équipages espagnols, dix-huit italiens et des paires hollandaises ou encore belges tenteront de ravir la couronne au tricolore Marc Douton. Un seul non européen a fait le déplacement, et c’est une femme. Amy Lerner est Américaine et elle sera, comme le tenant du titre et deux autres équipes, au volant d’une Porsche 911. Face à ces quatre figures légendaires du Dakar des années 80, un quatuor de Lada Niva, trois 504 et étonnement pas plus de six Range Rover. Rien de surprenant en revanche à compter pas moins de quarante et une Toyota, dont quinze HDJ 80. Dix-neuf Mitsubishi seront là pour faire briller à nouveau le record de douze victoires de la marque au diamant, suivies de près par douze Mercedes chez les autos. Car en camions, ils seront majoritaire avec huit représentants de la marque de Stuttgart contre quatre MAN.