J-2 : le camp des ambitions


29 décembre 2022 - 09:34 [GMT + 3]

À l’avant-veille du prologue de la 45e édition du Dakar, le 4e en Arabie Saoudite, les pilotes et équipages engagés ont été réunis dans un cadre inédit : le Sea Camp installé en bord de Mer Rouge, où sont notamment organisées les « vérifs », plonge d’emblée les concurrents dans l’ambiance du rallye.
Au moment de présenter leurs véhicules, les favoris de la catégorie autos laissent planer l’incertitude sur les chances des uns et des autres, les véhicules étant soumis à une réglementation d’équivalence des technologies. Les Audi à motorisation électrique de Peterhansel, Sainz et Ekström seront-elles en mesure de batailler avec les Toyota T1+ d’Al Attiyah, Al Rajhi et De Viliers ?
C’est dans la catégorie T4 que le Dakar accueille son plus jeune pilote. Eryk Goczal, tout juste 18 ans, pourrait même être en mesure de batailler dans les hauteurs du classement, à en croire son père et son oncle, habitués des places d’honneur sur l’épreuve.

BAIC, BAIC ORV, Auto, FIA W2RC, during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia
BAIC, BAIC ORV, Auto, FIA W2RC, during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia © Florent Gooden / DPPI
#519 SUGAWARA Teruhito (jpn), SOMEMIYA Hirokazy (jpn), MICHIZUKI Yuji (jpn), Hino Team Sugawara, Hino, Trucks, during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia
#519 SUGAWARA Teruhito (jpn), SOMEMIYA Hirokazy (jpn), MICHIZUKI Yuji (jpn), Hino Team Sugawara, Hino, Trucks, during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia © Florent Gooden / DPPI
Illustration, vérification during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia
Illustration, vérification during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia © Julien Delfosse / DPPI

LE SEA CAMP, EN MODE BAROUDEURS
Un village non identifié par les relevés topographiques existants à ce jour a fait son apparition sur les rivages de la Mer Rouge. Sa population d’environ 3000 habitants est constituée de fêlés de grands espaces, de découverte et de moteurs. Installé avec l’agilité et l’efficacité propres au Dakar, le Sea Camp colle précisément au tempérament de ses pilotes et équipages, l’aménagement privilégiant autant les espaces de convivialité et de détente que la réalisation des derniers préparatifs d’avant-course.
Ce bivouac XXL a conquis d’emblée les concurrents, à commencer par le triple vainqueur de l’épreuve Carlos Sainz, heureux de retrouver une ambiance de semi-vacances avant de se plonger dans l’action : « les hôtels ne me manquent pas, je suis installé très confortablement dans mon camping-car. C’est bon de ne pas avoir à trop nous déplacer, tout est sous la main et on est dans l’atmosphère du rallye d’entrée de jeu ». Son futur adversaire Nasser Al Attiyah, globe-trotteur et collectionneur de victoires tout au long de l’année, s’est même autorisé un mini-périple en préambule de son séjour au Sea Camp, toujours dans l’état d’esprit de décontraction qu’il adopte dès qu’il descend de sa voiture de course : « Je suis parti de Doha il y a dix jours, juste après la finale de la coupe du monde de football, et j’ai roulé sans me presser en faisant de petites étapes ». Une façon de s’offrir du réconfort avant l’effort…

AUDI EN PISTE POUR UN FESTIVAL ?

Entre une partie de volley-ball et une course de 4x4 télécommandés sur un mini-circuit dessiné sur la place principale du Sea Camp, les conversations de passionnés abordent régulièrement les pronostics pour la victoire dans la catégorie autos. Et après les débuts prometteurs des Audi en janvier dernier, les avis ultra-favorables sont massivement émis dans la perspective du titre. L’un des principaux intéressés, Stéphane Peterhansel, ne craint pas d’afficher les ambitions les plus élevées mais rejette poliment l’étiquette de grand favori : « C’est l’année deux, on a bien revu tout ce qui avait pu poser problème l’an dernier. Je pense qu’on sera dans le jeu, mais de là à gagner cela va être chaud ». Aux côtés de Monsieur Dakar et de ses 14 titres (8 en autos), la marque allemande table aussi sur Carlos Sainz pour conduire une de ses RS Q e-tron E2 au succès. Le champion espagnol endosse avec sérieux cette responsabilité, tout en attendant de voir ce qu’impose la réalité du terrain : « On ne sait jamais ce qui va se passer sur un Dakar. Ce qui est sûr c’est que nous sommes mieux préparés que l’an passé et que nous allons voir la compétitivité de la voiture dans les premiers jours. Nous avons fait le test de la nouvelle réglementation de puissance sur le Rallye du Maroc, maintenant nous allons voir ce que cela donne chez nos adversaires ». El Matador soulève l’enjeu de la réglementation FIA sur l’équivalence des technologies, dont les effets ne seront réellement observés qu’après plusieurs étapes.

TOYOTA AU SERVICE
C’est le clan Toyota qui bénéficie du premier service au moment du coup d’envoi du 45e Dakar. Les Hilux se sont précédemment placés 1er, 3e et 5e à Jeddah entre les mains d’Al Attiyah, Al Rajhi et De Villiers. Un tiercé qui annonce une stratégie de début de course prudente.
Nasser Al Attiyah : « C’est toujours un peu étrange de perdre de la puissance sur sa voiture, mais ce qui compte c’est que ce soit équitable. Gagner le Dakar 2022 et le W2RC nous a donné plus de confiance pour ce Dakar. On doit faire un bon résultat sur le prologue pour partir dans une bonne position sur la première étape. Je pense que les étapes 2 et 3 vont être importantes car il est facile de commettre une erreur de navigation. On se souvient du précédent Dakar où cela est arrivé dès le premier jour. Il va falloir gérer les premiers jours intelligemment pour être en mesure de pousser ensuite si nécessaire. »
Même son de cloche chez le métronome Giniel de Villiers dont ce sera la 20e participation (dont 19 terminées dans le Top 10, oui oui !) : « La nouvelle réglementation nous fait perdre de la puissance, et nous ne sommes pas sûr de savoir où nous nous situons. On y verra plus clair après les premiers jours. Je suis confiant dans le fait que nous avons une bonne voiture et que nous allons être en mesure de nous battre. » Si l’équité technique est au centre des attentes des pilotes Toyota, Yazeed Al Rajhi prévoit déjà une équité totale sur la fin de la course, y compris pour lui le local de l’épreuve : « L’Empty Quarter sera une découverte pour moi comme pour tous. Comme son nom l’indique, c’est une partie vide du pays où on ne sait pas ce qui va se passer. Il y aura beaucoup de grosses dunes, mais les dunes sont comme la mer, elles ne sont amies avec personne ».

DANS LA FAMILLE GOCZAL… ERYK
Ce n’était donc pas du bluff. Depuis quelques années, les frères Marek et Michal Goczal annonçaient l’arrivée prochaine du petit dernier Eryk sur la liste de départ du Dakar. Et pendant que papa et tonton enchaînaient les victoires de spéciales (8 spéciales pour la fratrie en 2022 chez les T4), le fils attendait patiemment son tour. Aujourd’hui, les historiens les plus pointus du Dakar ne trouvent pas trace d’un plus jeune pilote sur le Dakar, le blondinet de Cracovie ayant fêté ses 18 ans il y a moins de deux mois. Pour autant, ce garçon pressé se présente avec une maturité qui tranche avec son état civil : « avec mon père et mon oncle, j’ai toujours entendu parler du Dakar, j’en ai rêvé avec eux.
Quand j’avais quatre ans, j’avais une tirelire dans laquelle je mettais déjà toutes mes pièces parce que j’avais compris que cela coutait cher d’y participer. Et maintenant j’ai tout fait pour préparer ce moment le plus sérieusement possible. J’étais déjà sur le rallye les deux dernières années, en observant absolument tout, pour ne pas être surpris aujourd’hui ».
En plus de la motivation, il se trouve que le jeune homme est doté d’un coup de volant qui lui a déjà permis de remporter à 15 ans le championnat national de « drift », et qui donne du crédit au projet familial de voir les trois Goczal sur le podium final.
L’idée n’a rien d’absurde, selon Michal : « Nous ne savons pas comment c’est possible, mais il est extrêmement doué, on a même pris l’habitude de dire que c’est du super qui coule dans ses veines. D’ailleurs, sur sa première course en off-road il y a deux semaines, la Baja de Dubai, nous avons pris les trois premières places de la catégorie… avec Eryk devant ! » Un podium monocolore sur le Dakar, voilà bien ce dont rêve Marek Goczal, le père : « J’ai toujours dit que le jour où cela se produit, j’arrête ma carrière ».

200 Corcuera Ignacio (esp), Iker San Vicente Lauren (esp), Volkswagen, Equipo Euskadi 4x4, Dakar Classic, action during the 3rd stage of the Dakar 2021 between Wadi Al Dawasir and Wadi Al Dawasir, in Saudi Arabia on January 4, 2021 - Photo Gustavo Epifani
200 Corcuera Ignacio (esp), Iker San Vicente Lauren (esp), Volkswagen, Equipo Euskadi 4x4, Dakar Classic, action during the 3rd stage of the Dakar 2021 between Wadi Al Dawasir and Wadi Al Dawasir, in Saudi Arabia on January 4, 2021 - Photo Gustavo Epifani © A.S.O./G.Epifanio/FOTOP
#253 Harichoury Lilian (fra), Fertin Luc (fra), Correia Laurent (fra), Renault Trukcs, Team Boucou, Dakar Classic, action during the 3rd stage of the Dakar 2021 between Wadi Al Dawasir and Wadi Al Dawasir, in Saudi Arabia on January 4, 2021
#253 Harichoury Lilian (fra), Fertin Luc (fra), Correia Laurent (fra), Renault Trukcs, Team Boucou, Dakar Classic, action during the 3rd stage of the Dakar 2021 between Wadi Al Dawasir and Wadi Al Dawasir, in Saudi Arabia on January 4, 2021 © A.S.O./Fotop/Gustavo Epifanio

KUBA HAUSSE LE TON
C’est la surprise du chef ! Sven Quandt à la baguette du programme Audi, a développé en catimini la troisième génération de « sa » Mini. Sebastian Halpern et Jakub Przygonski restent aux couleurs de X-raid Mini JCW mais ils vont étrenner une version T1+ expédiée en dernière heure par avion. Le Polonais, 6e du dernier Dakar rentre dans la danse de la catégorie reine : « Je suis fier d’être le pilote de ce prototype. Nous avons beaucoup travaillé avec X-raid. Le projet a débuté il y a cinq ou six mois, et nous avons fait des tests seulement il y a quelques semaines avant que la voiture arrive par avion. Sur le dernier Dakar il était très difficile avec un buggy de figurer parmi les voitures de tête. Les choses vont certainement changer cette année avec la nouvelle réglementation sur l’équivalence des technologies. Mais le 4x4 est plus facile à piloter dans les dunes et les terrains défoncés. Je suis confiant, même si c’est sûr que nous allons rencontrer des imprévus avec la voiture, car c’est un projet à long terme. »

CASALE, L’ATOUT T3 DE YAMAHA
En parallèle de l’Evo2 de Audi et de la 3e génération de Mini, Sven Quandt avait un autre projet sur le feu en 2022. Celui commandité par Yamaha et que l’on a vu entre les mains de Peterhansel sur l’Andalucia Rally en octobre dernier. Le nouveau prototype X-raid Yamaha Supported Team débarque sur le Dakar avec comme fer de lance le triple vainqueur du Dakar en quad Ignacio Casale (2014-18-20). En 2019, le Chilien avait déjà sauté le pas dans un véhicule léger, sans succès puisqu’il avait dû abandonner. Cette fois, il fait office de leader de la nouvelle équipe officielle Yamaha et ne cache pas ses ambitions : « Je suis très content de cette alliance avec Yamaha avec qui j’ai remporté le Dakar à trois reprises en quad. Cette année, j’ai reçu cette offre pour rouler dans un prototype très compétitif avec lequel je pense que nous allons pouvoir réaliser de grandes choses. Monter sur le podium pour cette première année serait pour moi et l’équipe un bon résultat. Je m’entraîne depuis trois ans dans mon propre SSV au Chili. En septembre j’ai passé vingt jours au Maroc en essais avec le prototype et j’ai accepté l’offre de Yamaha immédiatement. »

BIENVENUE AU CLUB
Pour la troisième édition du Dakar Classic, deux challenges font leur apparition. Deux courses dans la course, réservées à des concurrents un peu spéciaux.
L’Iconic Classic Club regroupe et récompense les véhicules ayant réellement participé au Dakar.
C’est le cas de 15 véhicules sur la liste des engagés. On retrouve des autos déjà en course l’an passé, comme le fringant buggy Protruck du Team FJ (#701) du couple Galpin, qui avait été mis à l’époque entre les mains de Bruno Saby, ou encore le Pajero #727, conservé aux couleurs de la mythique équipe Ralliart tel que l’avait emmené Jean-Pierre Fontenay sur trois Dakar entre 1989 et 1993. Parmi les nouveaux, trois véhicules attirent les regards des connaisseurs.
L’un des exemplaires du véhicule militaire Peugeot P4 (#731), spécialement développé par Peugeot Talbot Sport en 1988 pour assurer l’assistance rapide en piste d’Ari Vatanen. Encore plus près des origines du Dakar et dans le sillage des Sunhill et autres Cotel, le couple Barlerin tente le pari du buggy Strakit (#738), un prototype français ayant participé au Dakar 1982 sans dépasser Gao ! Chez les mastodontes, outre le DAF tout droit sorti des ateliers De Rooy, le Pegaso 7222 (#906) aux couleurs des Espagnols de TH-Trucks a reçu les honneurs du podium en 1986 entre les mains de Salvador Canellas.
Vainqueur de la catégorie des camions légers, cette rareté a été produite à quatre unités. L’Authentic Codriver Challenge, l’autre nouveauté 2023, est réservé aux équipages dont le copilote a fait le choix de naviguer sans l’assistance de technologie moderne. Deux challenges pour les purs et durs !

MOTOS : DES « BONIFS » POUR LES OUVREURS
Afin de contrer l’effet yo-yo qui peut inciter aux comportements anti-sportifs, une nouvelle règle qui fera son entrée en scène sur ce Dakar avant d’être appliquée pour toute la saison du W2RC 2023. Le phénomène avait connu son paroxysme sur le Dakar 2022, lorsque Sunderland et Walkner s’immobilisaient volontairement quelques minutes en fin de spéciale 11 afin d’éviter de partir en tête le lendemain pour l’avant-dernière étape annoncée comme décisive. David Castera : « On a souhaité récompenser les motards qui ont le mérite de faire la trace. On va ainsi donner des bonifications en temps aux trois pilotes de chaque journée qui auront passé le plus de temps à ouvrir la spéciale entre le départ de le ravitaillement essence ». Concrètement, les deux-cent premiers kilomètres de la spéciale seront donc jalonnés de way points qui offriront des récompenses de temps. 1,5 secondes par kilomètre parcouru entre deux points de bonification au premier, 1 seconde pour le deuxième et 0,5 secondes pour le troisième. Ainsi, si des way points de bonification sont placés entre le départ et le kilomètre 20, le premier pilote passé au kilomètre 20 sera crédité de 30 secondes de bonus (20 x 1,5’’ = 30’’). Ainsi de suite jusqu’au ravitaillement. L’addition des bonus sera automatiquement déduite de son temps du jour, dès l’arrivée de la spéciale. Environ dix ou quinze sections récompensées seront disposées sur la spéciale, ouvrant droit dans le meilleur des cas à environ 5 minutes de bonification dans l’hypothèse où le pilote parti devant conservera la tête jusqu’au ravitaillement (200 x 1,5’’ = 300’’). Cette nouveauté fera son apparition lors de l’étape 3. Les étapes 1, 2 et 14 ne seront en effet pas concernées, leurs profils n’appelant pas ce coup de pouce.
Joan Barreda, le recordman en activité de victoires de spéciales (29) est particulièrement bien placé pour commenter cette évolution : « J’avais évoqué l’idée de bonus avec David Castera lors de la présentation du calendrier du W2RC 2022 il y a un an. J’étais favorable à ce système que A.S.O pratiquait déjà sur le Tour de France cycliste. Les ouvreurs sont trop pénalisés, spécialement depuis que nous sommes en Arabie Saoudite sur des terrains plus ouverts et plus sablonneux et encore plus l’an dernier avec un sol humide. Je pense que cette évolution a du sens. Même si ce n’est pas beaucoup de temps de gagné, c’est suffisant pour envisager de ne pas partir au-delà de la dixième position. Pour des pilotes comme moi qui ont ouvert durant de nombreux kilomètres l’an dernier, c’est une vraie motivation. Pour ceux qui sont restés autour de la cinquième place durant toute la course, ce ne sera pas à leur avantage. »

Sunset during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia - Photo Julien Delfosse / DPPI
Sunset during the Dakar 2023’s Administrative and Technical scrutineering, from December 28 to 30, 2022 at Sea Camp near Yanbu, Saudi Arabia - Photo Julien Delfosse / DPPI © Julien Delfosse / DPPI

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