J-1 : l'appel du désert


4 janvier 2024 - 19:18 [GMT + 3]


. À la veille du départ de la 46e édition, les pilotes et équipages en ont terminé avec le circuit des vérifications techniques et administratives, préalable indispensable pour figurer sur la liste officielle des partants, validée en fin de journée avec 418 véhicules en course.
. Le double tenant du titre Nasser Al Attiyah se présente pour la première fois au volant d’un Hunter BRX, avec Sébastien Loeb comme coéquipier. Les deux hommes se présentent davantage comme alliés que comme rivaux. En revanche, Guerlain Chicherit qui a été le partenaire des deux grands favoris, se présente bel et bien comme leur adversaire au volant de la dernière version du Toyota Hilux réputé pour sa fiabilité. C’est bien cette qualité que l’on doit atteindre chez Audi afin que Stéphane Peterhansel, Carlos Sainz et Mattias Ekström puissent se mêler à la lutte pour la gagne.
. La question des rivalités internes se pose également chez KTM, avec Toby Price tout de même plus régulier que le vainqueur 2023 Kevin Benavides, tout juste remis de blessure, mais aussi chez Honda qui aligne six prétendants au titre.
. Tous les pilotes et copilotes passeront à l’action sur le prologue de 27 km au programme de vendredi, mais sont auparavant invités à faire le spectacle à l’occasion d’une cérémonie de bienvenue organisée par la Royal Comission of AlUla. Au cœur d’un spectacle comprenant des chants et danses folkloriques, des acrobaties de BMX, un show son et lumières et plusieurs sets de DJs, ils défileront pour une fois à pied sur la grande scène du « Start Camp ».

#206 MORAES Lucas (bra), MONLEON Armand (spa), Toyota Gazoo Racing, Toyota GR DKR Hilux, FIA Ultimate, FIA W2RC, action during the Private Test of the Dakar 2024 from January 2 to 3, 2024 in Al-Ula, Saudi Arabia
#206 MORAES Lucas (bra), MONLEON Armand (spa), Toyota Gazoo Racing, Toyota GR DKR Hilux, FIA Ultimate, FIA W2RC, action during the Private Test of the Dakar 2024 from January 2 to 3, 2024 in Al-Ula, Saudi Arabia © A.S.O./M.Kin/DPPI

418 VÉHICULES AU DÉPART
À l’issue des vérifications techniques et administratives, les listes officielles des partants sont composées de 418 véhicules en course, soit 132 motos (parmi lesquelles 28 Original by Motul) avec 30 d'entre elles inscrites au W2RC, 10 quads participant tous au W2RC, 70 autos inscrites en Ultimate dont 22 inscrits au W2RC, 3 en Stock, 42 Challenger dont 12 inscrits au W2RC, 36 SSV dont 12 W2RC, 47 Trucks. À leurs commandes, 130 "rookies", tandis que 133 pilotes et copilotes estampillés « Legend » se présenteront pour la 10e fois ou plus. Le contingent féminin comprend 27 participantes. Sur le podium des nationalités représentées, la France domine avec 124 engagés, devant l’Espagne (84) et les Pays-Bas (62), le même podium que l’année dernière.
Chaque soir au bivouac, ils seront rejoints par les 78 véhicules participant à la 4e édition du Dakar Classic, formant à eux seuls une caravane de 170 concurrents.
Enfin, le challenge Mission 1000 qui offre la possibilité à des véhicules à motorisations alternatives de se confronter aux terrains du Dakar sur des distances plus accessibles, concerne 6 motos, 1 voiture, 2 SSV et 1 camion.

Au total, 770 concurrents vont prendre le départ du 46e Dakar.
La deuxième saison du W2RC démarrera demain avec 86 véhicules engagés.

AL ATTIYAH-LOEB : UN FAUTEUIL POUR DEUX ?
Nasser Al Attiyah et Sébastien Loeb, les deux rivaux directs des dernières éditions du Dakar sur lesquelles le Français a terminé coup sur coup dauphin du Qatarien, vont faire équipe pour la première fois de leurs carrières au sein de l’équipe Prodrive. En France, il se dit que deux coqs dans une même bassecour ne font pas bon ménage. Un dicton réfuté par le quintuple vainqueur du Dakar : « Deux top pilotes dans le même team, ce n’est pas toujours facile. Mais nous avons une excellente relation avec Seb. C’est totalement ouvert, chacun de nous est libre de gagner mais ce sera aussi très important de nous entraider. S’il est leader de la course, je l’aiderai si besoin et inversement. Nous ne partons pas seulement pour ce Dakar, nous ferons équipe jusqu’en 2027, il est donc important de coopérer. Seb est lui aussi content de ma venue car pour avoir une bonne équipe il faut au moins deux bons pilotes ! » Mathieu Baumel, le copilote et plus grand complice du Qatarien, explique l’avantage de cette association : « Cette période de transition va nous emmener vers trois belles années avec Dacia. L’idée aujourd’hui est de commencer à travailler ensemble avec les ingénieurs, les mécaniciens et aussi nos coéquipiers. Cela va nous permettre de travailler différemment. Au lieu de prendre des risques tout seuls sur une quinzaine de course, on va pouvoir se partager le travail. Pour Nasser et moi, c’est un vrai changement car chez Toyota on a toujours été solo. Nous n’avions pas de coéquipiers capables de prendre les rênes de la course un jour pour nous tirer. On devait rouler vite, avoir une bonne stratégie, passer au travers des ennuis et c’était assez lourd à gérer. »

REVOILÀ BARREDA !
« Bang Bang », le recordman de victoires d’étapes sur le Dakar en activité arborait l’an passé le slogan « last shot » sur son casque ! C’était avec une Honda, en marge du team HRC. Sorti sur chute dans l’étape 9 avec les vertèbres touchées, mais après avoir augmenté son compteur d’étapes à 29, l’Espagnol fait un deuxième retour surprise, cette fois-ci chez Hero MotoSports où le numéro 88 retrouve Wolfgang Fischer, le manager qui l’avait recruté en 2012 et installé ensuite chez Honda. En charge de l’entrainement des pilotes de l’équipe indienne, Joan Barreda a aussi été missionné pour faire évoluer la moto. Le collectionneur de scratchs n’est jamais reparti « bredouille » du Dakar depuis 2012, mais reste prudent dans ses propos à l’heure d’afficher ses ambitions : « Je me sens bien, mais j’ai quand même une interrogation après une année sans compétition et devant le nombre de jours qui m’attendent sur la moto. Mon mental reste le même, mais attendons de voir où je me situe à l’issue du premier jour. Il y a un mois et demi j’ai recommencé à ressentir de la douleur dans mes vertèbres, donc j’espère que je vais pouvoir faire avec ».

DE L’AIR EN BARRE
David Castera a pointé deux journées à placer sous le signe de la pierre. L’étape 1 d’après-demain en quittant AlUla pour El Henakiyah avec « 150 km de cailloux au milieu de la spéciale qui pourront déjà causer des dégâts ». Et l’étape 11 du 18 janvier prochain, à l’occasion du retour sur AlUla, où la course va repasser dans le secteur de l’étape 2 du Dakar 2023. Une date marquée d’une pierre noire chez Prodrive ! À court de roues de secours suite à des crevaisons à répétition, Sébastien Loeb et Guerlain Chicherit avaient d’entrée de jeu laissé échapper près d’une heure et demi pour le premier et plus de trois heures et demi pour le second. Les crevaisons, un enjeu majeur certains jours sur le Dakar où il fait alors bon être « backé » par des coéquipiers, seule solution pour récupérer une roue de secours en état d’usage. À ce jeu, les treize Hilux aux couleurs de Toyota Gazoo Racing et Overdrive Racing devraient avoir un avantage certain comparé aux trois Audi. Prodrive peut envisager cette édition avec plus de sérénité, sept Hunter étant en course cette année, contre quatre en 2023. Mais comme le tempère Sébastien Loeb, « rien ne dit qu’ils s’arrêteront », spécialement dans une première étape ou aucune hiérarchie ne sera encore établie. En revanche, un élément nouveau est à prendre en compte. Depuis le Rallye du Maroc, les équipes officielles citées sont toutes équipées du nouveau BF Goodrich KDR 3, plus polyvalent que son devancier et surtout doté d’un flan renforcé, spécialement développé pour limiter les crevaisons. En octobre dernier, Loeb confiait qu’un « vrai step avait été passé ». Rendez-vous dans 48 heures pour faire les comptes à la sortie des pierres volcaniques inédites qui attendent la course depuis des millénaires.

GUERLAIN CHICHERIT : « ON A UNE CARTE À JOUER »
Guerlain Chicherit, 10e du Dakar 2023 dans le Hunter de Prodrive avec lequel il a gagné deux étapes, se présente cette année dans un Hilux qu’il a pu prendre en mains sur le Rallye du Maroc. Mais sur le Dakar, c’est avec la toute nouvelle version EVO+ que le Français va s’élancer, tout comme son co-capitaine Yazeed Al Rajhi : « On a déjà failli se retrouver ensemble en 2010, quand il avait les Hummer et qu’il cherchait un coéquipier. Je n’avais pas trouvé le budget à l’époque mais je m’entends super bien avec lui. On a une vraie fenêtre de tir car nos Hilux sont fiables et rapides. En face, les trois Audi vont très vite avec trois super pilotes, mais est-ce que la fiabilité est au niveau de la Toyota ? Les Prodrive de Seb et de Nasser vont elles aussi aller très vite. Je connais très bien cette voiture qui a connu des petits problèmes de jeunesse, mais qui peuvent parfois persister. On a une carte à jouer. Il y a quand même deux bémols. Le premier est que je vais découvrir l’évolution de la voiture qui a priori change beaucoup en termes de pilotage. Je vais avoir besoin de quelques kilomètres pour m’adapter. L’autre, c’est que même s’il semble que la EVO+ ait fait beaucoup de kilomètres en Afrique du Sud, elle n’a pas fait beaucoup de course. Cela aurait été bien de l’éprouver au Maroc avant d’arriver en Arabie Saoudite. »

CHEZ PRICE, C’EST PAS LES SOLDES
« 2023 a été une bonne saison, mais il m’a manqué un rien plusieurs fois ». 43 secondes exactement pour remporter le Dakar 2023 (du jamais vu) face à Kevin Benavides, et 4 petits points sur le W2RC pour contrer son frère, Luciano Benavides. Toby Price prend donc le départ de son 10e Dakar avec le numéro 2. Dans l’ombre des deux hommes de l’année, le double vainqueur (2016-19) garde une grosse cote à AlUla. « Après le Dakar qui a été difficile à avaler, un souci mécanique m’a encore écarté de la victoire sur le W2RC, explique l’Australien. C’est la loi des sports mécaniques. Mais je suis en confiance, j’ai remporté le Rallye du Maroc et j’espère remettre les choses sur les rails, c’est-à-dire changer le numéro 2 en numéro 1 ». Price partage la combinaison orange de KTM avec l’aîné des Benavides, qui ne peut pas revendiquer une telle régularité. Le vainqueur du Dakar 2023 s’est fracturé le fémur quelques semaines après son sacre, et n’a pas pu participer à la 2e manche du W2RC à Abu Dhabi. Après le Sonora Rally, c’est un poignet cassé qui l’a privé des deux manches restant à disputer. Et le 3 décembre dernier, à l’entrainement pré-Dakar avec son équipe, c’est son péroné qui s’est fissuré. Ces blessures n’ont toutefois pas mis à mal le mental de Kevin, qui a été dans l’intervalle le meilleur analyste de la progression de son frère Luciano. « Je me suis juste tordu la jambe dans un virage et je me suis fissuré le péroné, raconte le malchanceux tenant du titre. Je me suis fait opérer et une nouvelle course a débuté pour me présenter ici au départ. Je suis en bonne condition physique générale, ma jambe ne va pas trop mal et j’ai été rassuré par les tests avec la moto sur le « shake down ». Ce n’est pas la meilleure façon de prendre le départ. J’ai rencontré beaucoup d’adversité en 2023, à chaque fois j’ai appris quelque chose de nouveau sur moi et je prends le Dakar comme l’occasion de renverser le sort. Luciano, lui, a profité de cette année pour progresser mentalement, car pour gagner il ne suffit pas d’aller vite. »

LE RETOUR DE « NANI », LES PREMIERS TOURS DE ROUES POUR FORD
Joan « Nani »Roma, vainqueur du Dakar 2004 à moto puis en auto en 2014 fêtera demain les 10 ans et les 20 ans de ses succès en s’élançant dans le prologue aux commandes du Ranger de Ford M-Sport. Un pick-up venu prendre la température saoudienne qui ouvre le chapitre de l’aventure de la marque américaine sur le Dakar en même temps que celui de la nouvelle vie de Nani : « Le fait d’être là de nouveau dans un team comme Ford M-Sport, c’est déjà une grande victoire personnelle et tout ce qui va venir sera du bonus. Normalement, après un cancer comme celui que j’ai eu, ta carrière sportive s’arrête. En mars 2022, j’ai demandé combien de temps j’avais à vivre, le médecin m’a répondu qu’il avait des solutions avec 80-90% de chances de succès. C’est un discours totalement nouveau pour un sportif. Avant, en cas de blessure, on parlait de temps pour revenir à la compétition, là on parlait de me sauver la vie. J’ai envisagé cela de la même façon que je préparais une course. Comprendre la maladie, échanger avec des professionnels sur les effets secondaires pour être préparé, c’est ce qui m’a beaucoup aidé à regarder et à  accepter la maladie. La chimio que j’ai suivie a été la chose la plus dure que j’ai vécue dans ma vie, mais chaque jour que je souffrais, l’objectif de revenir dans une voiture m’a aidé. Chez Ford, ils savaient que je me battais contre la maladie et ils m’ont juste demandé si je pensais être prêt pour septembre et les premiers essais. Dans un monde compétitif comme le nôtre, cette attitude est rare. C’est le projet de construire une voiture de pointe qui m’a intéressé. Ford a eu l’intelligence de venir éprouver la complexité du rallye-raid cette année sur le Dakar. Aujourd’hui, je roule au maximum de ce que la voiture nous permet. Je ne m’attends pas à plus, mais sur le Rallye du Maroc cela nous amené jusqu’au podium. »

48 HEURES CHRONO : COMMENT ÇA MARCHE ?
Pour conclure la première semaine de course, un format d’étape a été inventé sur deux jours pour lancer les pilotes dans une expérience à part au cœur de l’Empty Quarter. Au départ de Shubaytah des parcours de spéciales distincts ont été préparés pour les motos-quads et les autos-camions : 620 km à couvrir sur deux jours pour les uns, 570 km pour les autres. Du côté des engagés en FIM, une spécificité s’applique aux pilotes Rally GP, qui s’élanceront dans l’ordre inverse du classement de l’étape de la veille. Dans ce grand désert de dunes, sept bivouacs minimalistes répartis sur six points géographiques sont installés pour recevoir les pilotes. Ils auront l’obligation de s’arrêter dès qu’ils en atteindront un, une fois franchie l’heure-butoir de 16h. Sur place, chacun se verra remettre une dotation de 6 litres d’eau, une tente, un duvet et une ration de survie, ces « zones de repos » étant par ailleurs totalement isolées en termes de connexion et de réseau téléphonique : les pilotes de la tête de course n’auront que de maigres indices sur les performances de leurs rivaux ! Le lendemain matin dès l’aube, les départs seront donnés à intervalles d’une minute et dans l’ordre d’arrivée sur le site. Nouvelle subtilité, les points de départs étant communs entre les catégories, les motos et autos s’élanceront dans la spéciale en alternance, avec 30’’ d’écart. Pour les plus avancés, il ne restera peut-être qu’une centaine de kilomètres à parcourir, sur lesquels les bonifications accordées à l’ouvreur à moto seront majorées à 1,5 seconde/km, afin de diminuer l’avantage que prendrait la veille un motard tenté de freiner pour entrer dans la zone de repos en deuxième position plutôt qu’en tête, par exemple. Une fois de retour à Shubaytah, les pilotes de pointe pourront enfin guetter l’arrivée de leurs rivaux et découvrir la portée de leur bonne/mauvaise opération au classement général. Et ensuite, direction Riyadh, où une pause s’impose !

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