Souad est encore là
Dakar 2025 |
Étape 11 |
SHUBAYTAH
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16 janvier 2025
- 23:51
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Souad Mouktadiri est la première marocaine engagée sur le Dakar. Demain peut-être, elle va donner une réponse à l’interrogation qu’elle n’a cessé de susciter depuis ses débuts en rallye-raid. Oui, Souad est encore là, et cette fois sur le podium du Dakar. D’autres questions ?
Xavier de Soultrait, tenant du titre en SSV, est 21e à la veille de l’arrivée. Le Français n’y est pas allé de main morte pour défendre son rang. Il a endommagé trois fois son Polaris. Devant lui, en 20e position, une rookie, la première femme marocaine au départ du Dakar, le premier concurrent du royaume chérifien sur quatre roues. En 2011, le motard Harite Gabarit ouvrait la voie. Deux autres motards ont suivi depuis. Mais la participation de Souad Mouktadiri ne trouve pas là son inspiration. Son chemin débute par une introspection iconoclaste : « je suis partie en Peugeot 205 GTI découvrir le Maroc. Une femme, seule, en voiture, cela étonnait partout. Dans une vallée derrière Agadir, les gens chez qui je mangeais m’ont dit que je ne pouvais pas aller plus loin sans un 4x4. L’année suivante, je suis revenue avec. Je suis de Casablanca, la capitale. Au Maroc, on nous appelle les gens de l’intérieur ». Souad a poussé sa soif de découverte de son pays jusqu’au désert et aux dunes où elle rencontre ses premiers raideurs. Par hasard, elle croise la caravane du Rallye du Maroc qui lui ouvre les portes de son bivouac. Invitée par l’organisation dirigée alors par une femme, elle est frappée par l’absence de marocains engagés dans ce sport. Le Maroc, terre de rallye-raid par excellence et pays de guides 4x4 hors pair, un comble. « C’était en 2012, mes enfants étaient encore petits, mais je me suis dit : si personne ne veut le faire, j’y serais. Et je suis là ! »
Souad est une entrepreneuse. Consultante en gestion d’archivage électronique, elle a déjà dirigé jusqu’à 45 employés. En 2018, elle est prête. Elle a acheté un Patrol avec lequel elle s’engage sur le Rallye du Maroc… fraîchement acquis par un certain David Castera. Après 5 participations à ce « vrai petit Dakar », la Marocaine se lance. Son Can-Am a été intégralement préparé à Merzouga par des mécaniciens locaux. Son équipe réduite est l’une des plus petites du bivouac : « Je pars avec l’angoisse, car je n’ai pas d’assistance en piste. Si je casse, je suis out. Mon objectif est de rouler en faisant attention, je porte une boule au ventre avec moi tous les jours ». Comme depuis ses débuts il y a plus de dix ans, la Lionne du désert se frotte à la même réaction : « Tu es encore là ? Tu reviens ?’’, mais pourquoi s’attendent-ils à ce que je ne revienne plus ? Est-ce parce que je suis une femme, une femme arabe ? Je n’ai pas d’assistance en piste, ma voiture est préparée modestement, je le comprends, mais je suis fière de prendre le départ avec les grands. Nous étions deux femmes pilotes en SSV au départ, et je suis encore là. Je dois préserver ma place jusqu’à demain. Je croise les doigts pour être à l’arrivée avec le drapeau du Maroc. Pour montrer que les Marocaines ont le pouvoir, qu’elles n’ont pas de limites, comme toutes les femmes du monde ».