Et après l'Empty Quarter ?

Dakar 2024 | Repos 0 | RIYADH
13 janvier 2024 - 19:03 [GMT + 3]

Après six étapes et huit jours de course au total puis le prologue d’AlUla, la 46e édition du Dakar a connu des révélations, des confirmations, des défaillances, des rebondissements, des revanches et des surprises sur les pistes et dans les dunes d’Arabie Saoudite. Pour ponctuer cette première semaine, le format inédit de la 48h chrono, qui éparpillait les pilotes et copilotes dans l’Empty Quarter, a répondu à toutes les attentes : presque toutes les catégories ont changé de leader à la sortie des dunes, juste avant la journée de repos à Riyadh.
Exactement à mi-parcours avec encore 2384 kilomètres de spéciales à disputer sur des terrains tout aussi variés, les patrons de la course se lancent maintenant le défi de viser le chemin du retour pour atteindre Yanbu en vainqueurs : Ricky Brabec et ses coéquipiers de chez Honda ont pris une option ; les Audi de Carlos Sainz et Mattias Ekstrom mènent la danse devant Sébastien Loeb ; Eryk Goczal survole la catégorie Challenger ; en dominant les SSV, Yasir Seaidan console les Saoudiens de l’abandon de Yazeed Al Rajhi ; et Martin Macik atteint la capitale en chef de meute des camions.
Au total, 291 véhicules sur les 330 partants ont bouclé cette première séquence, dont 111 motos (vs 122), 8 quads (vs 10) pour les engagés FIM ; 59 Ultimate (vs 70), 40 Challenger (vs 42), 30 SSV (vs 36), 3 Stock (vs 3) et 40 camions (vs 47).
La course de régularité des Dakar Classic est quant à elle dominée par le pilote tchèque Ondrej Klymciw.

Résumé de la première semaine - #Dakar2024

Ultimate : Audi, enfin !

Le désert enseigne l’humilité, autant aux pilotes qu’aux pronostiqueurs. Après six étapes mais au total sept jours de course qui comptent, les profils présentés comme les plus « à risques » se distinguent comme les plus résistants aux aléas, pendant que les habitués des oscars de la fiabilité ont commis des erreurs qui ne leur ressemblent pas. Carlos Sainz connaît la formule gagnante sur le Dakar, il l’a prouvé à trois reprises (2010-18-20). Mais il est tout autant réputé pour sa capacité à parfois saborder son talent. Le penchant à l’empressement de l’Espagnol, ajouté aux difficultés de la RS Q e-Tron à tenir la distance au plus haut niveau, ne le plaçait pas comme le grand favori de l’édition 2024. Il est pourtant bel et bien au sommet du classement général à mi-parcours, comme lors de ses succès en 2010 et en 2020. La performance se conjugue au pluriel chez Audi puisque la deuxième ligne est occupée par Mattias Ekstrom. Le Suédois montre depuis AlUla qu’il est en mesure de poursuivre son ascension, après avoir terminé 9e en 2022, et apporte à la marque aux anneaux la force du nombre pour résister à leurs poursuivants. Et il y a de quoi se méfier de leur rival le plus direct. Car pour Sébastien Loeb, une petite demi-heure de retard n’est pas un obstacle insurmontable quand tout fonctionne. Il a fait comme les Audi le pari osé de perdre volontairement du temps avant de s’engager dans les sables de l’Empty Quarter. Après avoir passé sans trop de dégâts l’étape des pierres volcaniques, c’est précisément sur la 48h chrono qu’il a remporté sa première spéciale en 2024, la 25e de sa carrière, et redonné du brillant à son Hunter en vue d’une première victoire. Le vainqueur de l’étape reine a fait étalage de son sang-froid, il en aura à nouveau besoin pour conquérir le sommet, et contrôler ses deux poursuivants directs : le Brésilien Lucas Moraes en position de terminer à nouveau sur le podium s’il bénéficie du jeu des éliminations, et le Belge Guillaume de Mevius, déjà vainqueur de sa première étape et 5e de la hiérarchie (à 1h09’).

Yazeed Al Rajhi et Nasser Al Attiyah possèdent quelques points communs dans leurs trajectoires de pilotes de tout premier rang. L’un comme l’autre ont commencé leurs carrières sur le Dakar en faisant forte impression par leur rapidité, mais aussi par leur tendance à transformer de façon un peu trop radicale le design de leurs autos, si vous voyez le tableau. Les deux ont aussi acquis avec les années une réputation de pilotes toujours en contrôle et peu exposés à la panique. Cette maturité à été récompensée au total par cinq titres pour Al Attiyah, et son alter ego saoudien semblait en bonne voie pour débuter sa moisson. Al Rajhi a même entamé en leader du classement général la 48h chrono, qu’il n’aura connu que pendant 51 kilomètres, le temps de partir en tonneaux et d’abandonner pour avoir été trop gourmand. Dans la même étape mais le lendemain, Nasser a lui aussi montré un peu trop d’enthousiasme à revenir dans le match, au point de maltraiter une roue et de perdre plus de 2h30’ sur l’incident avant de repartir. Les grands champions ne sont décidément pas à la fête : Stéphane Peterhansel en convient aisément après avoir lâché plus de deux heures sur une crevaison qui a mal tourné, le cric et tout le système hydraulique ayant lâché dans les dunes de la même étape 6. Enfin Guerlain Chicherit comptait trouver avec son nouveau Toyota Hilux l’outil qui lui manquait pour connaître la stabilité sur le Dakar, mais a été contrarié par la mécanique et se retrouve relégué à 1h58’. C’est lui qui ferme le Top 10, juste derrière Mathieu Serradori, 9e et leader des deux roues motrices.

 Motos : Avantage Honda

Il y a quatre ans, Ricky Brabec avait remporté le Dakar en s’offrant deux victoires d’étape. Et si l’Américain ajoutait cette année une deuxième étoile à son palmarès en rejouant la carte du pilote discret ? Sans tambour ni trompette, en évitant les erreurs et en jouant à chaque fois placé pour tailler sa route sans avoir à prendre trop de risques, Brabec s’est en tout cas installé aux commandes du rallye au soir de la sixième et dernière étape. Dans le trio de tête depuis la première journée, le pilote Honda est sorti du bois en prenant l’ascendant sur ses adversaires dans les dunes de l’Empty Quarter. Bien évidemment, avec encore six longues journées à avaler, son avance de moins d’une minute sur Ross Branch est loin de lui garantir le succès espéré. D’autant que d’autres pilotes restent dans le coup pour la gagne. Ainsi Adrien Van Beveren a-t-il profité de la longue étape de 48 heures dans le sable saoudien pour recoller au groupe de tête. Troisième du classement général (à 9’21’’), le Français a préservé toutes ses chances pour la seconde semaine. Tout comme Nacho Cornejo, vainqueur des étapes 2 et 4, qui ne compte que quatorze minutes de retard sur son coéquipier et leader californien. Un peu plus loin, Toby Price et Kevin Benavides, les deux meilleurs représentants KTM, demeurent eux aussi candidats avec moins d’une demi-heure de retard sur Brabec. L’Australien attend son heure pour passer à l’attaque alors que l’Argentin, qui paie les séquelles de sa fracture de la jambe, monte en régime.

Cette première semaine de course aura en revanche été fatale pour plusieurs prétendants à la victoire. Tosha Schareina, le jeune espoir espagnol recruté par Honda, s’est cassé un poignet dès la première étape alors qu’il avait remporté le prologue. Skyler Howes a lui perdu beaucoup de temps sur les premières journées avant d’abandonner dans les dunes de l’Empty Quarter sur problème mécanique. Toujours chez Honda, alors qu’il était bien installé dans le groupe de tête, Pablo Quintanilla a été victime d’une panne d’essence, là-encore durant la difficile sixième étape, qui l’a fait plonger dans le classement général. Abandons également pour Sam Sunderland sur problème mécanique lors de la troisième étape, pour Lorenzo Santolino qui portait les espoirs de Sherco et pour Joan Barreda qui disputait son premier Dakar avec l’équipe Hero. De fait, Ross Branch se retrouve sans coéquipier pour attaquer la deuxième semaine du rallye après les départs prématurés sur chute de Joachim Rodrigues et Sebastian Buhler. Face à l’impressionnante armada Honda, le Botswanais devra aussi compter sur la chance pour passer au travers des inévitables embuches qui vont se présenter jusqu’à Yanbu

Du côté des Rally2, c’est l’épatant Jean-Loup Lepan qui a pris la tête de la catégorie au soir de la sixième étape. Très solide depuis le coup d’envoi du Dakar, le Français s’est offert deux succès lors des journées 2 et 6. Cerise sur le gâteau, il occupe la dixième place au classement scratch à une heure et demie de Ricky Brabec. Deuxième au général, Romain Dumontier a longtemps mené la danse, mais une panne d’essence durant l’étape 6 lui a valu de lâcher 50 minutes à Lepan. Souffrant d’une côte cassée, le vainqueur de la Coupe du Monde de Rallye-raid 2023 va devoir serrer les dents jusqu’à Yanbu pour espérer finir sur le podium final. D’autant que Harith Noah, Paolo Lucci et Bradley Cox se tiennent en embuscade à moins de 30 minutes du leader. A surveiller également le jeune Tobias Ebster, neveu de Heinz Kidigadner. Leader de la classe Original by Motul, l’Autrichien s’est offert le luxe de décrocher une victoire en Rally2 lors de l’étape 5. Un garçon qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Chez les quads enfin, Manuel Andujar et Alexandre Giroud, les deux vainqueurs des trois précédents Dakar sont, on les connait, du genre diesel. Et le système de préchauffage du Français a été plus long que celui de l’Argentin. Pendant que les spécialistes du Dakar prenaient leur rythme de croisière, le Brésilien Marcelo Medeiros a démarré au rythme de la samba en prenant les commandes des deux premiers jours. Andujar, sur le podium de ces étapes, a porté l’estocade dans l’étape 4. En s’imposant ce jour là, l’Albicéleste s’est installé aux commandes du Dakar en même temps que le Français, double tenant du titre, se plaçait dans son sillage. Andujar compte 20 minutes d’avance sur Giroud et trois quart d’heure sur Medeiros.

#09 BRABEC Ricky (usa), Monster Energy Honda Team, Honda, Motul, Moto, FIM W2RC, action during the Stage 6 « 48 Hours Chrono » of the Dakar 2024 from January 11 to 12, 2024 around Subaytah, Saudi Arabia
#09 BRABEC Ricky (usa), Monster Energy Honda Team, Honda, Motul, Moto, FIM W2RC, action during the Stage 6 « 48 Hours Chrono » of the Dakar 2024 from January 11 to 12, 2024 around Subaytah, Saudi Arabia © A.S.O./F.Le Floc'h/DPPI

Challenger : Le « petit » Goczal, à pas de géant

On connaît le parcours d’Austin Jones. Titré en SSV en 2022, l’Américain a triomphé dès sa première participation l’année dernière en Challenger, la catégorie supérieure, autrefois connue sous le nom de T3 ou prototypes légers. Eryk Goczal, fils de Marek et neveu de Michal, suit la même trajectoire. À l’exception près que le Polonais en est à son deuxième Dakar seulement. Du haut de ses 19 ans, il vient déjà assommer le peu de concurrence qui se trouve entre lui et la victoire finale, à commencer par celle venue de son propre camp. Vainqueur du prologue, Eryk a doublé la mise le lendemain avant de faire la passe de trois lors de l’étape 2. Son oncle et son père ont bien essayé de lui voler la vedette, en vain. Dauphin de Seth Quintero au Championnat W2RC (T3), Mitch Guthrie, qui a mis au point le nouveau Taurus T3 Max dont dispose également les Goczal, est parvenu à priver Eryk d’un quatrième succès de suite pour une petite minute seulement sur le Polonais. Parmi les pilotes les plus expérimentés de la catégorie, « Chaleco » Lopez a signé le meilleur temps de l’étape 5 devant Jones, le tenant du titre, et… Eryk, qui a raflé un cinquième succès lors la 48h chrono. Aux côtés d’Oriol Mena dans le baquet de droite, Eryk a surfé sur les dunes de l’Empty Quarter avec une facilité déconcertante. Bilan de la première semaine : cinq victoires, une seule crevaison et plus de 1h d’avance au général sur Guthrie et près de 1h30 sur Cristina Gutierrez et Lopez. On le sait, rien n’est joué avant l’arrivée au Dakar, mais on voit mal qui pourrait venir priver le « petit » Goczal d’un deuxième titre de suite. 

SSV : Un trône convoité…

Le départ des Goczal et de Rokas Baciuska a ouvert le champ des possibles chez les SSV. Les cinq vainqueurs différents en sept spéciales confirment cette tendance. Et évidemment, dans cette configuration, aucun protagoniste de la catégorie ne sort véritablement du lot. Gerard Farres était pourtant bien parti. L’Espagnol, sur le podium final à deux reprises en SSV en 2019 et 2022, a gagné l’étape 2 et s’est installé aux commandes jusqu’à faire face à un chott lors de l’étape 5. Parti en tonneaux, il a dû attendre son assistance pendant près de 2h avant de repartir. Jérôme De Sadeeler a alors hérité des commandes du Dakar. De retour après avoir fait l’impasse sur l’édition 2023 en raison d’une blessure survenue en LMP3, le Suisse a perdu une trentaine de minutes dans les dunes de la 48h chrono et la tête du général au bénéfice de Yasir Seaidan. Sur le podium de chaque spéciale depuis sa victoire de l’étape 3, le Saoudien conclut la première semaine avec le meilleur temps au classement. Il est talonné à trois minutes par Sara Price, qui fait ses premiers pas sur le Dakar après avoir terminé deuxième du Rallye du Maroc (avec deux victoires), et à cinq minutes par Xavier De Soultrait. Ils sont quelques-uns à avoir gagné en motos comme en autos. Parmi eux figurent bien sûr Stéphane Peterhansel, Cyril Depres et désormais « XdS ». Vainqueur au prologue, le Français a annoncé la couleur et les intentions de Polaris et de son nouveau RZR. Comme on dit : une année pour apprendre, une année pour gagner. Sans ce problème de boîte de vitesses lors de l’étape 3, De Soultrait mènerait sans nul doute le classement SSV, fort de ses trois victoires dont la 48h chrono. L’équipage de Sébastien Loeb Racing sera donc à surveiller de près, sauf si Joao Ferreira, vainqueur de l’étape 4, Price ou De Sadeleer, en décident autrement. 

Camions : Pays-Bas – République tchèque, match retour

4-3, c’est le bilan de la première partie de Dakar chez les camions. Quatre victoires pour Janus Van Kasteren (en incluant le prologue) et une de moins pour Martin Macik. Van Kasteren ne pouvait pas espérer une meilleure entrée en matière qu’en remportant les trois premières spéciales. Personne ne semblait être en mesure de battre le Néerlandais dans la lutte pour sa propre succession, pas même Ales Loprais, son principal adversaire l’an dernier avant d’abandonner. Cette année, le Tchèque a bien essayé, mais Van Kasteren s’est toujours montré un cran au-dessus et n’a jamais quitté les commandes du Dakar jusqu’à la veille de la 48h crono. Dans le clan tchèque, le menace est finalement venue de Martin Macik et pourtant, il était à deux doigts de faire une croix sur ses espoirs de victoire finale à Yanbu. Lors de l’étape 4, il a lâché plus de 35 minutes à Van Kasteren. Il n’a toutefois rien lâché et attendu le faux pas de ses adversaires pour refaire ce retard… C’est finalement ce qui s’est passé lors de la 48h chrono. Loprais a perdu plus de 1h dans les dunes de l’Empty Quarter, pratiquement le triple pour Van Kasteren. De quoi propulser Macik, vainqueur, au sommet de la hiérarchie chez les camions avec un boulevard de plus 1h10’ d’avance sur Loprais. Mitchel Van Den Brink, fils de Martin et vainqueur d’une étape l’an dernier, se tient lui en troisième position à 1h50’.

Classic :  à coups de points

La journée de repos arrive à point nommé pour Ondrej Klimciw. Surtout pour sa Skoda qui s’est mise à perdre de l’huile hier et qui par ricochet à fait de même au niveau de ses points. Parti dans l’étape 6 après avoir fait le break sur Carlos Santaolalla la veille, le Tchèque avait fait plier l’Espagnol après quatre jours de mano a mano. C’est même à coup de points que ces deux adversaires se sont battus depuis une semaine ! En tête du général durant trois étapes, Carlos et son HDJ 80 n’ont jamais étendu leur avance à plus de 8 points sur la Skoda avant que le Tchèque ne frappe un grand coup sur le capot du Toy. Au soir de l’étape 5, Ondrej avait non seulement repris l’avantage, mais mis une distance de 27 points, soit 36 points acquis en une seule étape ! À la journée de repos, il accuse 56 points de retard sur la numéro 768. Les écarts de comportement commencent à se payer comptant sur le Dakar Classic et le dauphin de l’édition 2023 a pris une option sur la victoire à mi-course. Derrière eux, Paolo Bedeschi, 3e de l’édition 2023 accuse 190 points de retard sur son devancier de l’an dernier. Les ténors sont à la barre, Ondrej à la manœuvre…

Suivez-nous

Recevez des informations exclusives